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DE POMPÉI

férent au nouveau combat ; Lydon n’y figurait pas. Cependant, une pensée traversa son esprit. Ce combat avait pour lui un grand intérêt… Le premier qui succomberait ne serait-il pas remplacé par Lydon ? Il tressaillit, et le corps penché, les yeux tout grands ouverts, et les mains jointes, il suivit les mouvements des gladiateurs.

Niger et Sporus occupèrent particulièrement l’attention du public ; car cette espèce de combat, à cause de son résultat ordinairement fatal etde la grande science qu’il exigeait de la part des deux adversaires, était fort estimée des spectateurs.

Les deux gladiateurs se tenaient à une distance considérable l’un de l’autre. Le singulier casque que portait Sporus avait sa visière baissée et lui cachait le visage ; mais les traits de Niger, à découvert, attiraient tous les regards leur férocité vigilante et contenue possédait une terrible puissance d’attraction. Après être demeurés quelque temps à se surveiller, Sporus commença à s’avancer lentement et avec une précaution extrême, tenant la pointe de son épée dirigée contre la poitrine de son ennemi, comme dans l’escrime moderne… Niger reculait à mesure que son adversaire avançait, rassemblant son filet dans sa main droite, et sans détacher un instant son œil petit et étincelant des mouvements de son adversaire ; tout à coup, dès que Sporus se fut approché à la portée de son bras, le retiarius se jeta en avant et lança son filet : une prompte inflexion du corps sauva le gladiateur du piège redouté ; il poussa un cri aigu de joie et de rage et se précipita sur Niger ; mais Niger avait déjà retiré son filet, qu’il avait jeté sur ses épaules, et il courait autour de l’arène avec une rapidité que le secutor[1] essayait vainement d’égaler. Le peuple rit et applaudit beaucoup en voyant les impuissants efforts du gladiateur aux larges épaules pour rejoindre le géant qui fuyait devant lui ; mais dans ce moment l’attention se tourna du côté des deux combattants romains.

Ils s’étaient placés d’abord face à face, à la distance où l’on se met de nos jours pour un assaut d’armes ; mais la prudente lenteur qu’ils mettaient à commencer un sérieux engagement avait laissé aux spectateurs le temps de s’intéresser à Sporus et à Niger. Les deux Romains en étaient venus aux mains avec toute l’ardeur désirable ; leur fureur était portée au plus haut

  1. Celui qui suivait son ennemi en fuite.