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LES DERNIERS JOURS

battants se préparèrent fièrement à se mesurer en se regardant en face.

« Reconnaissez-vous les Romains, cher Claudius ? sont-ce des gladiateurs célèbres ou des gladiateurs ordinaires ?

— Eumolpus est une lame de seconde classe, Lépidus ; pour Nepimus, le plus petit des deux, je ne l’ai jamais vu ; mais il est fils d’un des fiscales[1] impériaux, et il a été élevé à bonne école. Mais je n’ai plus de cœur au jeu : je ne regagnerai jamais l’argent que j’ai perdu ; je suis ruiné. Maudit soit ce Lydon ! Qui aurait pu lui supposer tant d’adresse et tant de bonheur ?

— Voyons, Claudius, j’aurai compassion de vous, et j’accepte votre pari pour ces deux Romains.

— Alors, dix sesterces sur Eumolpus !

— Quoi ! lorsque Nepimus est un débutant ? le marché n’est pas tenable.

— Huit, alors !

— C’est convenu. »

Pendant que ces luttes étaient ainsi commencées, il y avait, sur les gradins les plus élevés, un spectateur qui avait pris à ces jeux un douloureux intérêt. Le vieux père de Lydon, en dépit de son horreur chrétienne pour ce genre de spectacle, dans son anxiété pour son fils, n’avait pu résister au désir d’être spectateur de sa destinée. Caché dans une foule d’étrangers de la plus basse classe de la populace, le vieillard ne sentait, ne voyait rien que la présence de son brave fils. Pas un mot ne s’était échappé de ses lèvres lorsqu’il l’avait vu deux fois tomber à terre : il était seulement devenu plus pâle, et ses lèvres avaient tremblé. Mais il avait jeté un cri de joie, lorsque la victoire s’était déclarée pour son fils, sans prévoir, hélas ! que cette victoire n’était que le prélude d’une bataille plus terrible.

— Mon brave fils ! dit-il, et il essuya ses yeux.

— Est-ce ton fils ? demanda un homme placé à la droite du Nazaréen ; il a bien combattu ; nous allons voir comment il se comportera tout à l’heure. N’as-tu pas entendu ? il combattra le premier vainqueur. Maintenant, pauvre vieillard, prie les dieux que le vainqueur ne soit aucun des deux Romains, ni, après eux, le géant Niger ! »

Le vieillard se rassit et se couvrit le visage ; il resta indif-

  1. Gladiateurs entretenus par l’empereur.