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LES DERNIERS JOURS

tre étaient rares et relativement humains ; en cela, comme en beaucoup d’autres points, Pompéi n’était que la miniature, le microcosme de Rome. Cependant c’était un terrible et imposant spectacle, auquel les temps modernes n’ont rien heureusement à comparer, que ce vaste théâtre, s’élevant gradins par gradins, peuplé d’êtres vivants, au nombre de quinze à dix-huit mille, qui ne contemplaient pas les fictions tragiques de la scène, mais la victoire ou la défaite, la vie triomphante ou la mort ensanglantée de quiconque entrait dans l’arène.

Les deux cavaliers se trouvaient alors à chacune des extrémités de la lice (si nous pouvons nous exprimer ainsi), et à un signal donné par Pansa, ils se précipitèrent simultanément l’un vers l’autre, comme s’ils allaient se briser du premier choc, chacun portant en avant son bouclier rond, chacun apprêtant sa haute et légère, mais inflexible javeline ; à trois pas de son adversaire, Berbix arrêta brusquement son cheval, se jeta de côté, et comme Nobilior, emporté dans sa course, continuait sa carrière, il dirigea contre lui sa javeline ; le bouclier de Nobilior, soudainement présenté avec beaucoup d’adresse, reçut le coup, qui sans cela aurait été mortel.

«  Très-bien ! Nobilior, s’écria le préteur, donnant au peuple le premier signal des applaudissements.

— Bien frappé ! » mon Berbix, répondit Claudius de son siège.

Un murmure, accompagné d’applaudissements, parcourut tous les rangs de l’assemblée.

Les visières des deux cavaliers étaient complètement baissées (comme plus tard celles des chevaliers) ; mais la tête était néanmoins le but principal des attaques ; et Nobilior, chargeant à son tour son adversaire, dirigea avec non moins d’adresse que lui la pointe de son épée sur le casque de Berbix, quileva son bouclier pour se couvrir ; mais son clairvoyant antagoniste changea promptement la direction de sa javeline, et la baissant soudain, l’atteignit à la poitrine. Berbix chancela et tomba.

« Nobilior ! Nobilior ! s’écria la populace.

— J’ai perdu dix sesterces, murmura Claudius entre ses dents.

Habet… Il a son affaire, » dit Pansa froidement.

La populace, qui n’était pas endurcie, fit le signal de grâce ; mais les employés de l’arène, en s’approchant, virent que c’était de la pitié perdue. Le cœur du Gaulois avait été percé,