Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/381

Cette page n’a pas encore été corrigée
369
DE POMPÉI

veiller sur Ione, et le digne Sosie, comme geôlier de Nydia, se voyaient condamnés à demeurer à la maison.

« Callias, dit Arbacès à part à son affranchi, pendant que celui-ci bouclait sa ceinture je suis las de Pompéi ; je me propose de quitter cette ville dans trois jours, si le vent nous est propice. Tu connais le vaisseau amarré dans le port, et qui appartenait à Narsès d’Alexandrie ; je l’ai acheté : après-demain nous commencerons à y porter tout ce que je possède ici.

— Sitôt ? C’est bien : Arbacès sera obéi. Et sa pupille Ione ?

— Elle m’accompagne. Assez. La matinée est-elle belle ?

— Lourde et accablante. Il fera probablement très-chaud dans l’après-midi.

— Les pauvres gladiateurs et les pauvres criminels ! Descends et vois si les esclaves sont prêts. »

Arbacès, resté seul, passa dans son cabinet d’étude, et de là sous le portique dehors. Il vit les longues files de gens qui se dirigeaient vers l’amphithéâtre. Il entendit leurs clameurs et le bruit des cordes au moyen desquelles on élevait la vaste toile dont l’abri devait empêcher les citoyens d’être incommodés par les rayons du soleil, et leur permettrait de jouir à leur aise de l’agonie de leurs semblables. Un son étrange traversa tout à coup les airs et se tut presque aussitôt : c’était le rugissement du lion. Il se fit un grand silence dans la foule ; mais ce silence fut suivi d’un immense éclat de rire. La foule était heureuse de l’impatience affamée du royal animal.

« Bêtes féroces ! murmura Arbacès avec dédain ; après cela, sont-ils moins homicides que moi ? mais moi, j’ai tué pour ma défense personnelle : eux ils font du meurtre un passe-temps… »

Il tourna alors un regard inquiet et curieux vers le Vésuve ; les vignes qui entouraient ses flancs brillaient au soleil, et le front de la haute montagne paraissait, dans le repos des nues, tranquille comme l’éternité.

« Nous avons encore du temps si le tremblement de terre se dorlote doucement comme cela, pensa Arbacès ; et il quitta ce lieu. Il passa près de la table où étaient posés ses papiers mystiques et ses calculs d’astrologie chaldéenne. « Art auguste, se dit-il, je n’ai pas consulté tes décrets depuis que j’ai surmonté le danger et la crise que tu m’avais prédits. A quoi bon ? Je sais désormais que tout dans ma route doit être brillant et aplani ; les événements passés ne l’ont-