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DE POMPÉI

bruit de roues sous la terre. Lorsque je me suis levée ce matin à la naissance du jour, j’ai regardé de nouveau dans l’abîme, et j’ai vu de nombreux fragments de pierres noires qui flottaient sur le courant, plus large, plus terrible, plus rouge encore que pendant la nuit. Alors je suis sortie, j’ai monté sur le sommet du rocher, et sur ce sommet j’ai aperçu une vaste crevasse que je n’avais pas encore remarquée, d’où s’élevait une obscure et légère fumée. Cette vapeur était mortelle. Je sentis une défaillance, comme si j’allais mourir. Je suis revenue chez moi, j’ai pris mon or et mes drogues ; j’ai quitté cette demeure où j’ai passé tant d’années : car je me suis souvenue de cette prédiction étrusque, qui dit : « Lorsque la montagne s’ouvrira, la cité, tombera ; lorsque la fumée couronnera les sommets des champs brûlés, les enfants de la mer connaîtront le malheur et les larmes. » Maître suprême ! avant de quitter ces murs pour quelque asile éloigné, je viens à toi ; je suis assurée comme de mon existence, que le tremblement de terre qui a remué la cité, il y a soixante ans, jusque dans ses bases, n’était que le précurseur d’une catastrophe plus terrible. Les murs de Pompéi ont été bâtis sur le domaine de la mort et sur les rives de l’Enfer, qui ne connaît point de repos. Te voilà averti ! fuis 1

— Sorcière, je te remercie de l’intérêt que tu prends à un homme qui n’est pas ingrat. Sur cette table se trouve une coupe d’or : prends-la, elle est à toi. Je ne croyais pas que, les prêtres d’Isis exceptés, il y eût une personne vivante qui songeât à sauver Arbacès dela destruction. Les signes que tu as vus dans le lit du volcan éteint, continua l’Égyptien pensif, indiquent assurément quelque imminent danger pour la cité, peut-être un tremblement de terre plus considérable que le premier. Quoi qu’il en puisse être, c’est une nouvelle raison pour moi de quitter ces murs. Demain je partirai. Fille d’Étrurie, de quel côté te diriges-tu ?

— Je me rendrai aujourd’hui à Herculanum, et le long de la côte je chercherai une nouvelle demeure. Je reste sans amis, sans compagnons ; le renard et le serpent ne sont plus. Grand Hermès ! tu m’as promis vingt années additionnelles d’existence.

— Oui, dit l’Égyptien, je te les ai promises. Mais, femme, ajouta-t-il en s’appuyant sur son bras et regardant sa figure avec curiosité, dis-moi, je t’en prie, pourquoi désires-tu vivre ? quelle douceur espères-tu découvrir dans la vie ?