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LES DERNIERS JOURS

enfant, sous la pénible impression de ce songe. Il s’éveilla donc, il se recueillit, il remercia les dieux, dans lesquels il ne croyait pas, de ce que ce n’était qu’un songe. Il jeta les yeux autour de lui, il vit les rayons du jour naissant pénétrer à travers sa haute et étroite croisée : c’était le jour où il devait triompher… Il se réjouit, il sourit ; mais, en baissant les yeux, il aperçut à côté de lui la figure sépulcrale, les regards mornes, les lèvres livides de la sorcière du Vésuve.

« Ah ! cria-t-il en posant ses mains sur ses yeux comme pour fuir cette sombre vision, est-ce que je dors encore ?… et suis-je toujours avec les morts ?

— Non, non, puissant Hermès, tu es avec l’image de la mort, mais non avec la mort. Reconnais ton amie et ton esclave. »

Il y eut un long silence. Les frissons qui avaient passé sur les membres de l’Égyptien diminuèrent peu à peu : il reprit son calme à la fin.

« C’était bien un songe, dit-il. Allons, n’y songeons plus, sans quoi les plaisirs du jour ne compenseraient pas les angoisses de la nuit. Femme, comment es-tu venue ici, et pourquoi ?

— Je suis venue pour t’avertir, répondit la voix sépulcrale de la saga.

— M’avertir !… Le songe ne mentait donc pas ?… Et de quel péril ?

— Écoute-moi. Quelque grand danger menace la cité. Fuis pendant qu’il en est temps. Tu sais que j’habite cette montagne sur laquelle la vieille tradition a placé les feux du Phlégéthon. Il y a dans ma caverne un vaste abîme, et j’y ai remarqué depuis peu un ruisseau rouge et sombre qui monte avec lenteur. J’ai entendu souvent des sons terribles sifflant et mugissant dans les ténèbres. La dernière nuit j’ai voulu voir, et j’ai vu que le ruisseau n’avait plus rien de sombre, qu’il était flamboyant, lumineux ; et pendant que je regardais, l’animal qui vit avec moi, et qui tremblait à mon côté, poussait de sourds gémissements, s’étendait sur le sol et mourait[1]. Sa gueule était toute couverte d’écume. Je remontai dans ma tanière ; mais j’entendis distinctement toute la nuit le roc craquer et s’entr’ouvrir ; et, quoique l’air fût lourd et tranquille, le vent sifflait et il s’y mêlait comme un

  1. On peut supposer que les exhalaisons produisent le même effet que la grotte du chien. (Note de l’auteur).