guait plus clairement, se fixaient sur lui avec une impitoyable immobilité.
« Qui es-tu ? demanda de nouveau involontairement la voix de l’Égyptien.
— Je suis celui que ta science a reconnu ; et le spectre se mit à rire : mon nom est la Nécessité.
— Où me conduis-tu ?
— À l’inconnu.
— Au bonheur, ou à l’affliction ?
— Ce que tu as semé, tu le moissonneras.
— Sombre créature ! Il n’en doit pas être ainsi. Si tu es le guide de la vie, mes crimes sontles tiens, non les miens.
— Je ne suis que le souffle de Dieu, répondit le vent redoutable.
— Alors ma science est vaine, murmura le dormeur.
— Le laboureur accuse-t-illa destinée, lorsqu’après avoir semé des chardons il ne récolte point de blé ? Tu as semé le crime, n’accuse pas le destin si tune recueilles pas la moisson de la vertu. »
La scène changea soudain. Arbacès se trouva dans un cimetière rempli d’ossements humains, au milieu desquels on distinguait un crâne qui, conservant toujours les cavités décharnées de ses yeux, prit peu à peu, dans la mystérieuse confusion du songe, la figure d’Apœcides ; de ses mâchoires entr’ouvertes sortit un petit ver qui se mit à ramper jusqu’aux pieds d’Arbacès. L’Égyptien essaya de mettre le pied dessus et de l’écraser, mais le ver devenait plus large et plus long à chaque effort tenté pour le détruire : il s’agrandit et s’enfla si bien qu’il prit la forme d’un gros serpent qui se serra autour des membres d’Arbacès ; il lui broyait les os ; il élevait jusqu’à son visage ses yeux étincelants et ses dents empoisonnées ; Arbacès luttait en vain contre lui ; il se flétrissait, il s’épuisait sous l’influence de la dégoûtante haleine du serpent ; il se sentait mourir. Alors, le reptile, qui continuait à porter la figure d’Apœcides, fit résonner ces mots à son oreille ivre de crainte :
« Ta victime est ton juge. Le ver que tu as voulu écraser est devenu le serpent qui te dévore. »
Arbacès se releva en poussant un cri de colère, de douleur et de résistance désespérée ; ses cheveux s’étaient dressés sur sa tête, son front était baigné de sueur, ses yeux étaient fixes et égarés, tout son corps frissonnait, comme celui d’un