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LES DERNIERS JOURS

Arbacès, sans avoir envie de parler, entendit sa propre voix demander à cette femme :

« Qui es-tu ? et que fais-tu ?

— Je suis, répondit le grand fantôme sans se déranger de son travail, je suis celle que ta science a reconnue ; mon nom est la Nature : tu vois ici les rouages du monde, et ma main les guide pour entretenir la vie de toutes choses.

— Et quelles sont, dit la voix d’Arbacès, ces galeries qui, illuminées d’une manière si étrange et si incertaine, se perdent de chaque côté dans les abîmes des ténèbres ?

— Celle que tu vois à gauche, répondit la mère-géante, est la galerie des êtres qui ne sont pas encore nés ; les âmes qui voltigent les premières et qui montent sont celles qui sortent du sein éternel de la création pour accomplir leur pèlerinage sur la terre : la galerie que tu vois à droite, où ces ombres descendent d’en haut se dirigeant vers des régions obscures et inconnues, est la galerie de la mort.

— Et pourquoi, reprit la voix d’Arbacès, ces lumières errantes qui traversent l’obscurité, mais qui la traversent seulement, sans la dissiper ?

— Sombre artisan de la science humaine, contemplateur d’étoiles, toi qui veux déchiffrer l’énigme des cœurs et l’origine des choses, ces lueurs, ce sont les faibles lumières de la science accordée à la nature, afin qu’elle puisse accomplir son œuvre, et distinguer assez le passé et l’avenir pour mettre quelque prévoyance dans ses desseins. Juge donc, pauvre marionnette que tu es, de la lumière qui peut être réservée pour toi ! » Arbacès se sentit trembler en demandant de nouveau :

« Pourquoi suis-je ici ?

— Pour obéir au pressentiment de ton âme, à la prescience de ton sort qui s’accomplit ; pour voir l’ombre de ta destinée qui va s’élancer de la terre dans l’éternité. »

Avant de pouvoir répoudre, Arbacès sentit s’élever dans la caverne un vent semblable à celui que produiraient les ailes d’un dieu gigantesque. Soulevé de terre et emporté par un tourbillon comme une feuille par un ouragan d’automne, il se vit au milieu des spectres de la mort, et poussé avec eux dans l’obscurité ! Dans son vain et impuissant désespoir, il essayait de lutter contre l’impulsion ; il lui sembla alors que le vent, prenant un corps, devenait une espèce de fantôme avec les ailes et les serres d’un aigle, dont les membres flottaient au loin et vaguement dans l’air, et dont les yeux, qu’il distin-