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DE POMPÉI

l’orgueil de combattre un noble adversaire, et de contempler sa défaite. Mais vous ne me comprenez pas.

— Excellent chevreau, » dit Salluste.

L’esclave chargé de découper s’était occupé de son emploi qui le rendait tout glorieux, au son de la musique, en marquant la mesure avec son couteau, si bien que l’air commencé par des notes légères, s’élevant de plus en plus, avait fini dans un magnifique diapason.

« Votre cuisinier est sans doute de Sicile ? dit Pansa.

— Oui, de Syracuse.

— Je veux vous le jouer, dit Claudius ; faisons une partie entre les services.

— Je préférerais certainement ce combat à celui du Cirque, dit Glaucus ; mais je ne veux pas me défaire de mon cuisinier. Vous n’avez rien d’aussi précieux à m’offrir en enjeu.

— Ma Phyllide, ma belle danseuse.

— Je n’achète jamais les femmes, » dit le Grec en arrangeant sa guirlande avèc nonchalance.

Les musiciens, qui se tenaient en dehors dans le portique, avaient commencé leur musique avec l’entrée du chevreau ; leur mélodie devint plus douce et plus gaie, quoique d’un caractère peut-être plus idéal. Ils chantèrent l’ode d’Horace qui commence par les mots Persicos odi…, impossible à traduire, et qu’ils jugeaient parfaitement applicable à une fête que nos mœurs peuvent trouver efféminée, mais qui, en réalité, était assez simple, au milieu du luxe effréné de l’époque. Nous n’avons sous les yeux qu’un festin privé, et non un repas royal ; le joyeux souper d’un homme riche, et non celuid’un empereur ou d’un sénateur.

« Ah ! bon vieil Horace ! dit Salluste, d’un ton de compassion ; il chantait assez bien les festins et les jeunes filles, mais non pas aussi bien que nos poëtes modernes.

— L’immortel Fulvius, par exemple, dit Claudius.

— Oui, Fulvius l’immortel, répéta le convive que nous avons appelé l’ombre de Claudius.

— Et Spurœna ; et Caius Mutius, qui a écrit trois poëmes épiques dans une année. Horace et Virgile en auraient-ils fait autant ? dit Lépidus. Ces vieux poëtes avaient le grand tort de copier la sculpture et non la peinture. Simplicité et repos, c’était là toute leur notion de l’art ; nos modernesont du feu, de la passion, de l’énergie ; nous ne sommeillons jamais. Nous reproduisons les couleurs de la peinture, sa vie et son mouvement. Immortel Fulvius !