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DE POMPÉI

des femmes, des enfants, s’agitaient, riaient, gesticulaient ; et, sans s’en douter, le digne Sosie fut entraîné dans leur courant.

« Qu’y a-t-il donc ? demanda-t-il à un jeune ouvrier, son plus proche voisin ; qu’y a-t-il ? où courent ces braves gens ? Est-ce que quelques riches patrons font cette nuit une distribution d’aumônes et d’aliments ?

— Non, bien mieux que cela, répliqua l’ouvrier ; le noble Pansa, ami du peuple, a accordé la permission de voirles bêtes dans leurs vivaria. Par Hercule je connais des gens qui ne les verront pas demain avec la même sûreté !

— Cela vaut la peine d’être vu, dit l’esclave en se laissant pousser en avant, et, puisque je ne puis assister demain aux jeux, je veux du moins jeter un coup d’œil sur les bêtes cette nuit.

— Vous ferez bien, répondit sa nouvelle connaissance ; on ne voit pas tous les jours à Pompéi un lion et un tigre. »

La foule entra dans un terrain vaste et accidenté, assez mal éclairé de distance èn distance, ce qui offrait quelques dangers à ceux dont les membres et les épaules pouvaient redouter la presse. Cependant, les femmes surtout, beaucoup d’entre elles avec leurs enfants sur les bras ou même au sein, se montraient les plus empressées à se faire un passage ; et leurs exclamations, soit pour se plaindre, soit pour prier qu’on ne les étouffât pas, s’élevaient au-dessus des voix joyeuses des hommes. Parmi ces voix on distinguait celle d’une jeune fille, qui paraissait trop heureuse du spectacle qu’elle allait voir pour sentir les inconvénients de la foule.

« Ah ! ah ! criait la jeune fille à quelques-uns de ses compagnons, je vous l’avais toujours dit. Un homme pour le lion, un homme pour le tigre ! nous les avons. Je voudrais être à demain !


J’aime ces jeux où l’on voit mille têtes
Suivre l’assaut des hommes et des bêtes.
J’aime ces jeux où, redoublant d’efforts,
Les combattants se prennent corps à corps ;
Vous les voyez, sous leur sanglante étreinte,
Se tordre, et puis se rouler dans l’enceinte :
Vous respirez à peine de plaisir.
La mort enfin, la mort vient les saisir.
J’aime ces jeux…


— Une joyeuse fille ! dit Sosie.

—Oui, répliqua avec un peu de jalousie le jeune ouvrier,