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DE POMPÉI

« C’est bien, c’est bien, dit le portier adouci ; entre si tu veux ; mais, pour dire la vérité, Salluste est en train de noyer son chagrin dans le vin. C’est son habitude, lorsque quelque chose le tourmente. Il commande un souper excellent, les meilleurs vins, et ne quitte la table que lorsque son chagrin est sorti de son esprit pour faire place à la liqueur.

— Bonne méthode, très-bonne ! Ah ! ce que c’est que d’être riche ! si j’étais à la place de Salluste, je voudrais avoir quelque chagrin à chasser tous les jours. Mais dis un mot en ma faveur à l’atriensis. Je le vois venir. »

Salluste était trop triste pour recevoir de la compagnie. mais trop triste aussi pour boire seul. C’est pour cela que, selon sa coutume, il admettait son affranchi à sa table ; et jamais plus étrange banquet n’eut lieu que ce soir-là. De temps en temps l’épicurien au bon cœur soupirait, pleurait, sanglotait, puis mangeait quelque mets et remplissait sa coupe avec une nouvelle ardeur.

« Mon brave camarade, disait-il à son compagnon. C’est un terrible arrêt… bien terrible… Ce chevreau ne vaut rien… Pauvre cher Glaucus… quelle gueule que celle de ce lion !… ah ! ah ! ah ! »

Il sanglota de nouveau, et ses sanglots ne furent interrompus que par le hoquet.

« Prenez cette coupe de vin, dit l’affranchi.

— Ce vin est un peu trop froid… Mais c’est Glaucus qui doit avoir froid… que ma maison soit fermée demain… que pas un esclave ne sorte… Je ne veux pas qu’un seul de mes serviteurs honore de sa présence cette maudite arène… Non, non.

— Goûtez de ce falerne… votre douleur vous absorbe… Par les dieux ! elle vous fera perdre la raison… un peu de cette tarte à la crème. »

Ce fut dans ce moment favorable que Sosie se vit admis devant cet inconsolable gourmand.

« Oh ! qui es-tu ?

— Un simple messager pour Salluste ! Je lui remets ce billet de la part d’une jeune femme : je ne crois pas qu’il y ait de réponse ; puis-je sortir ? »

En disant cela, le discret Sosie tenait sa figure cachée dans son manteau et déguisait sa voix, de peur d’être reconnu plus tard.

« Par les dieux ! un entremetteur chez moi ! Malheureux que