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LES DERNIERS JOURS

parfaitement, l’art d’écrire avec un style aigu sur des tablettes de cire ; le sens exquis du toucher qu’elle avait venait à son aide. Dès que les tablettes eurent été apportées, elle traça quelques mots en grec, la langue de son enfance, et que tout Italien de haut rang était supposé connaître. Elle entoura avec soin son épître du fil protecteur, et couvrit le nœud avec de la cire ; puis, avant de remettre les tablettes à Sosie, elle lui parla ainsi :

« Sosie, je suis aveugle et en prison. Tu peux songer à me tromper… tu peux prétendre que tu as remis ma lettre à Salluste ; tu peux ne pas remplir ta promesse… mais si tu trahis ma confiance, j’appelle solennellement la vengeance sur ta tête… Je te somme donc de mettre ta main droite dans la mienne, comme gagedetafidélité, et de répéter après moi ces mots : Par la terre où nous marchons, par les éléments que contiennent la vie et qui peuvent l’ôter… par Orcus, le Dieu vengeur… par Jupiter Olympien… qui voit tout… je jure que je tiendrai ma promesse et que le message qu’on me confie sera remis dans les mains de Salluste. Si je manque à mon serment, que les malédictions du ciel et de l’enfer tombent sur moi… C’est assez… je me fie à toi ; prends ta récompense ; il est déjà tard, pars.

— Tu es une étrange fille, et tu m’as vraiment effrayé… mais après tout c’est naturel, et, si je puis trouver Salluste. je lui remets cette lettre comme je te l’ai promis, sur ma foi… Je puis avoir mes petites peccadilles… Mais manquer à un serment, me permettre un parjure… je laisse cela à mes maitres. »

Sosie sortit, après avoir eu soin de mettre la barre à la porte de la chambre de Nydia, en assurant bien les verrous. Puis il plaça la clef dans sa ceinture, et se mit en devoir de faire sa commission ; il s’enveloppa de la tête aux pieds dans un large manteau, et se glissa dehors sans avoir été vu ni arrêté par personne.

Les rues étaient presque vides, et il eut bientôt gagné la maison de Salluste. Le portier lui dit de laisser sa lettre et de s’en retourner, car Salluste était si chagrin de la condamnation de Glaucus qu’il ne voulait être troublé dans sa douleur par quoi que ce fût.

« Cependant j’ai juré deremettre cettelettre dansses propres mains, je dois le faire. »

Et Sosie, sachant bien par expérience comment on endort un cerbère, lui mit une douzaine de sesterces dans la main.