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DE POMPÉI

qui m’a échappé, j’avais dans la pensée une autre personne… Le joyeux Salluste.

— Oh ! quelle affaire as-tu avec lui ?

— Glaucus était mon maître ; il m’a achetée à un cruel patron ; il a toujours été bon pour moi, il va mourir. Je ne serai jamais heureuse, si je ne puis, dans cette heure si terrible de sa destinée, lui faire connaître que j’ai gardé de ses bienfaits un souvenir reconnaissant. Salluste est son ami, il portera mon message.

— Je suir sûr qu’il ne le fera pas. Glaucus a assez à penser d’ici à demain pour ne pas se troubler la tète du souvenir d’une fille aveugle.

— Homme, dit Nydia en se levant, veux-tu être libre ? Tu en as les moyens en ton pouvoir ; demain il sera trop tard. Jamais liberté n’aura été achetée à meilleur marché ! tu peux aisément et sans que l’on s’en aperçoive quitter la maison. Ton absence ne durera pas une demi-heure ; et pour si peu, refuserais-tu la liberté ? »

Sosie était grandement ébranlé ; la demande en vérité, lui paraissait bien ridicule : mais qu’est-ce que cela lui faisait ? Tant mieux d’ailleurs ! il pouvait fermer la porte sur Nydia, et, si Arbacès s’apercevait de son absence, ce ne serait pas, après tout, une faute majeure ; il ne s’attirerait qu’une réprimande ; mais si la lettre de Nydia contenait plus de choses qu’elle n’en avait dit, si elle parlait de son emprisonnement, comme elle ne manquerait probablement pas de le faire, qu’arriverait-il ? Arbacès ne pouvait pas savoir que c’était lui qui avait porté la lettre : au pis aller, le gain était énorme, le risque léger, la tentation irrésistible ; il n’hésita plus, il consentit à la proposition.

« Donne-moi les joyaux et je me chargerai de la lettre ; mais attends donc, tu es esclave, tu n’as aucun droit sur les ornements. ils appartiennent à ton maître.

— Ce sont des présents de Glaucus ; c’est lui qui est mon maître… il n’est guère probable qu’il les réclame… d’ailleurs, qui saura qu’ils sont en ta possession ?

— Cela suffit, je vais t’apporter du papyrus.

— Non, pas de papyrus ; une tablette de cire et un style. »

Nydia, comme le lecteur l’a vu, était sortie d’une famille distinguée ; ses parents avaient tout fait pour alléger son malheur, et sa vive intelligence avait secondé leurs efforts. En dépit de sa cécité, elle avait acquis dans son enfance, bien qu’im-