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LES DERNIERS JOURS

choisi parmi les autres esclaves pour le constituer geôlier. Il en était encore à exhaler ses plaintes, quand Nydia reprit connaissance.

« Tu soupires, jeune aveugle, du malheur qui m’arrive dans cette circonstance ? C’est bien ; cela me console un peu. Puisque tu reconnais tout ce que tu me coûtes, je m’efforcerai de ne pas me plaindre. Il est dur d’être maltraité sans inspirer au moins de la pitié.

— Sosie, combien te faut-il pour acheter ta liberté ?

— Combien ? environ deux mille sesterces.

— Les dieux soient loués 1 Il ne te faut pas davantage ? Vois ces bracelets et cette chaîne : ils valent deux fois cette somme ! Jete les donnerai si…

— Ne me tente pas. Je ne puis te délivrer. Arbacès est un maître sévère et terrible. Qui sait si je n’irais pas nourrir les poissons du Sarnus ? Hélas ! tous les sesterces du monde ne me rappelleraient pas à l’existence : mieux vaut un chien vivant qu’un lion mort.

— Sosie, c’est ta liberté, penses-y bien. Situ veux me laisser sortir une heure seulement, rien qu’une petite heure, à minuit, je reviendrai ici avant l’aurore ; tu peux même venir avec moi.

— Non, dit Sosie avec force ; un esclave désobéit un jour à Arbacès, et l’on n’a jamais entendu parler de lui.

— Mais la loi ne donne pas au maître pouvoir de vie et de mort sur ses esclaves.

— La loi est très-obligeante, mais plus polie qu’efficace. Je sais qu’Arbacès met souvent la loi de son côté. D’ailleurs, si je suis mort, quelle loi me ressuscitera ? »

Nydia se tordit les mains. « N’ya-t-il donc aucun espoir ? dit-elle, avec une agitation convulsive.

— Aucun espoir de sortir d’ici jusqu’à ce qu’Arbacès en ait donné l’ordre.

— Eh bien donc, dit Nydia, tu ne me refuseras pas du moins de porter une lettre de moi. Ton maître ne te tuera pas pour cela.

— À qui ?

— Au préteur.

— À un magistrat ? non pas du tout. Je serais appelé en témoignage pour dire ce que je sais, et, avec les esclaves, on procède par la torture.

— Pardon, je ne voulais pas dire le préteur… C’est un mot