Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/357

Cette page n’a pas encore été corrigée
345
DE POMPÉI

— Cependant, il me semble que, dans un moment de colère divine, j’ai été frappé d’un soudain délire, d’une frénésie étrange et surnaturelle qui ne provenait point de moyens humains.

— Il y a des démons sur la terre, répondit le Nazaréen avec gravité, de même qu’il y a Dieu et son fils dans le ciel ; et, puisque tu ne reconnais pas ceux-ci, les démons peuvent avoir eu prise sur toi. »

Glaucus ne répliqua pas. Ils gardèrent le silence pendant quelques minutes. Enfin l’Athénien reprit, d’un ton de voix ému et doux, avec un peu d’hésitation :

« Chrétien, crois-tu, parmi les dogmes de ta foi, que les morts vivent de nouveau, que ceux qui ont aimé ici-bas soient unis ailleurs ; qu’au delà du tombeau notre âme sorte des vapeurs mortelles qui l’ont obscurcie’aux yeux grossiers de ce monde ; que les flots, divisés par le désert et par le rocher, se rencontrent dans le solennel Hadès, et coulent ensemble pour toujours ?

— Si je crois cela, Athénien ? non, non, je ne le crois pas, c’est trop peu dire ; je le sais, et c’est cette magnifique et heureuse assurance qui me soutient maintenant. Ô Cyllène ! continua Olynthus d’un ton passionné, épouse de mon cœur, qui m’as été enlevée dans les premiers mois de notre mariage, ne te verrai-je pas, et dans peu de jours ? Bien venue, bien venue est la mort, qui me conduit au ciel et vers toi ! »

Le soudain élan d’une affection humaine remua toutes les fibres sympathiques du cœur de l’Athénien. Il sentit, pour la première fois, quelque chose de plus tendre que le lien qui attache des compagnons d’infortune. Il se rapprocha d’Olynthus. Car les Italiens, féroces à certains égards, n’étaient pas inutilement cruels ; ils ne séparaient pas les cellules, n’accablaient pas les prisonniers de chaines, et permettaient aux victimes de l’arène la consolation d’autant de liberté et de communauté que la prison en pouvait offrir.

« Oui, continua le chrétien dans une sainte ferveur, l’immortalité de l’âme, la résurrection, la réunion des morts, tel est le grand principe de notre foi, et c’est pour proclamer cette grande et sublime vérité qu’un Dieu lui-même a voulu mourir. Ce n’est point un fabuleux Élysée, un poétique Orcus, mais un pur et radieux héritage du ciel lui-même, qui récompense l’homme juste et bon.

— Raconte-moi donc tes doctrines et expose-moi tes espérances, » dit Glaucus avec ardeur.