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DE POMPÉI

ciens amis (les convives de ses festins) s’offraient froids et glacés à ses yeux. Il n’y avait plus là personne pour consoler, soutenir l’étranger qui avait été tant admiré et adulé ! Ces murs ne s’ouvraient que sur la terrible arène où il devait rencontrer une honteuse mort. Et Ione ! il n’avait rien appris sur son sort. Aucun mot bienveillant, aucun message d’amitié, n’étaient venus de sa part. L’avait-elle oublié aussi ? Le croyait-elle coupable ?… et de quel crime ?… Le meurtre de son frère ! Il grinçait des dents, il gémissait à haute voix, et, de temps à autre, une crainte affreuse lui traversait le cœur. Si, dans ce délire qui s’était irrésistiblement emparé de ses esprits, qui avait porté un si grand trouble dans son cerveau, où il avait perdu toute conscience de lui-même, si le crime dont il était accusé avait été réellement commis par lui ?… Cependant, il repoussait bien vite cette pensée lorsqu’elle se présentait : car, au milieu de l’obscurité du jour, il se rappelait assez distinctement le bosquet de Cybèle, la pâle figure du mort tournée de son côté, la pause qu’il avait faite auprès du corps, et le choc violent qui l’avait jeté laface contre terre. Il restait convaincu de son innocence ; et pourtant, qui croirait à son innocence, qui prendrait la défense de son nom, même lorsque ses restes mutilés seraient livrés aux éléments ? Lorsqu’il se rappelait son entrevue avec Arbacès, et les désirs de vengeance dont le cœur de cet homme terrible devait être rempli, il ne pouvait s’empêcher de croire qu’il était la victime de quelque mystérieux complot profondément ourdi, dont il cherchait en vain à découvrir la trace : et Ione… Arbacès l’aimait… Le succès de son rival pouvait être fondé sur sa perte. Cette pensée l’affligeait plus que toutes les autres. Son noble cœur était plus tourmenté par la jalousie que par la crainte. Il poussa quelques nouveaux gémissements.

Une voix s’éleva du fond de l’obscurité et répondit à l’accent de sa douleur :

« Quel est mon compagnon dans cette heure terrible ? Athénien Glaucus, est-ce toi ?

— C’est ainsi qu’on m’appelait aux jours de ma fortune et de mon bonheur. On m’appelle sans doute maintenant d’un autre nom. Et quel est ton nom à toi, étranger ?

— Je suis chrétien : ton compagnon de captivité, comme je l’ai été de ton procès.

— Quoi ! celui qu’on appelle l’athée ? Est-ce l’injustice des hommes qui t’a poussé à nier la providence des dieux ?