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LES DERNIERS JOURS

avec une joie cruelle le moment de saisir leur proie ; tu n’as d’autre bonheur que celui de ne pas les voir.

« Silence, Callias ! Avançons… voyons ce qu’elle fera lorsqu’elle sera convaincue que la porte est une honnête porte.

— Regarde : elle lève ses yeux au ciel… elle murmure quelques mots… elle se laisse tomber sur le sol. Non, parPollux ! elle forme quelque nouveau plan et elle ne veut pas se résigner. Par Jupiter ! elle a de la persévérance… Vois, la voilà qui se relève !… Elle revient sur ses pas. elle espère trouver quelque autre expédient… Je te donne le conseil, Sosie, de ne pas attendre plus longtemps… Empare-toi d’elle avant qu’elle sorte du jardin… maintenant.

— Ah ! fugitive ! je te tiens ! » s’écria Sosie en saisissant la malheureuse Nydia.

On pourrait comparer au dernier cri humain d’un lièvre sous la dent du chien, ou à celui que jette le somnambule éveillé tout à coup, le cri de douleur que poussa la jeune aveugle lorsqu’elle sentit l’étreinte de son geôlier. Ce cri funeste exprimait tant de détresse et de désespoir, que, si vous l’eussiez entendu, il aurait pour toujours résonné à vos oreilles. Elle crut sentir la dernière planche de salut pour Glaucus s’échapper de sa main. Il y avait eu lutte entre la vie et la mort, et c’est la mort qui avait gagné la partie.

« Dieux 1 elle va réveiller la maison. Arbacès a le sommeil si léger ! Bâillonne-la, dit Callias.

— Ah ! voici justement la serviette avec laquelle cette jeune sorcière m’a privé de la vue et de la raison. Allons, c’est juste. La voilà à présent muette aussi bien qu’aveugle. »

Et, saisissant ce léger fardeau dans ses bras, Sosie regagna la maison et la chambre d’où Nydia s’était échappée. Là, après l’avoir délivrée de son bâillon, il l’abandonna à une solitude si terrible et si douloureuse, qu’en dehors des enfers on ne peut guère imaginer pareils tourments.