Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/329

Cette page n’a pas encore été corrigée
317
DE POMPÉI

mais c’est un vœu trop ambitieux. Que je sache du moins si je gagnerai assez pour acheter ma liberté, ou si cet Égyptien me la donnera pour rien. Il fait parfois de ces générosités-là. Puis, au cas où cela arriverait, posséderai-je un jour parmi les myropolia[1] cette jolie petite taberna que j’ai toujours devant les yeux ? C’est un gentil métier que celui de parfumeur, et qui convient à un esclave retiré du grand monde, et qui sent encore son homme comme il faut.

— Ce sont là les questions auxquelles tu voudrais avoir des réponses précises ? Il y a plusieurs manières de te satisfaire ; d’abord la lithomancie ou divination sur la pierre parlante, qui répond à nos demandes avec une voix d’enfant ; mais nous n’avons pas ici cette précieuse pierre, très-coûteuse et très-rare. Il y a ensuite la gastromancie, par laquelle le démon fait voir dans l’eau des figures pâles et terribles qui prédisent l’avenir. Mais cet art réclame aussi des vases d’une certaine forme, pour contenir le liquide consacré, et nous ne les avons pas. Je pense que le meilleur moyen de satisfaire ton désir serait la magie de l’air.

— J’aime à croire, dit Sosie un peu effaré, qu’il n’y a rien d’effrayant dans cette opération ; je ne me soucie pas des apparitions.

— N’aie pas peur, tu ne verras rien. Tu entendras par le bouillonnement de l’eau si ta demande t’est accordée. Prends soin seulement de laisser la porte du jardin entr’ouverte, quand se lèvera l’étoile du soir, afin que le démon se trouve invité à entrer ; place de l’eau et des fruits près de la porte en signe d’hospitalité ; puis, trois heures après le crépuscule, viens me voir avec une coupe remplie de l’eau la plus froide et la plus pure que tu pourras te procurer, et l’art thessalien que ma mère m’a appris s’exercera en ta faveur. N’oublie pas la porte du jardin ; tout est là. Elle doit être ouverte quand tu viendras, et même trois heures auparavant.

— Sois tranquille, reprit Sosie sans soupçons ; je sais ce qu’un homme de distinction éprouve de dépit lorsqu’on lui ferme la porte au nez, comme il m’est arrivé parfois chez le traiteur ; et je sais aussi qu’une personne aussi respectable que le démon ne peut qu’être flattée de quelque marque courtoise d’hospitalité. En attendant, ma petite Thessalienne, voici ton repas du matin.

  1. Boutiques de parfumeurs.