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DE POMPÉI

— Oui, la pauvre dame ; ce n’est pas de son gré, je présume ; cependant, par le temple de Castor ! Arbacès se montre galant vis-à-vis des femmes… Ta maîtresse est sa pupille, tu le sais.

— Peux-tu meconduire vers elle ?

— Elle est malade de fureur et de dépit… D’ailleurs, je n’ai pas d’ordres à ce sujet, et je ne prends jamais rien sur moi. Lorsqu’Arbacès m’a constitué gardien de cette chambre[1], il m’a dit : « Je n’ai qu’une recommandation à te faire ; tant que tu me serviras, tu n’auras plus d’yeux et plus d’oreilles. Tu n’auras qu’une pensée, comme je n’exige detoi qu’une qualité : l’obéissance ! »

— Mais quel mal y a-t-il à ce que je voie Ione ?

— Je n’en sais rien ; mais si tu as besoin d’un compagnon, je m’entretiendrai avec toi, ma petite, tant que tu voudras ; car je suis assez solitaire dans mon cubiculum. À propos, tu es Thessalienne ; ne connaîtrais-tu pas quelque divertissement agréable de couteaux et de ciseaux, quelque joli tour pour dire la bonne aventure selon l’usage des personnes de ta race ? cela nous ferait passer le temps.

— Paix ! esclave, silence ! ou, si tu veux parler, dis-moi ce que tu sais de l’état de Glaucus.

— Ah ! mon maître est sorti pour assister au procès de l’Athénien. Mauvaise affaire pour Glaucus !

— Un procès, pourquoi ?

— Pour le meurtre du prêtre Apœcides.

— Ah ! oui, dit Nydia en pressant ses mains sur son front ; j’ai entendu parler de quelque chose comme cela, mais je n’y ai rien compris. Qui oserait toucher à un cheveu de sa tête ?

— Mais le lion, j’en ai peur.

— Dieux puissants ! quelle méchanceté sort de ta bouche !

— C’est la vérité ; s’il est déclaré coupable, le lion sera son exécuteur, à moins que ce ne soit le tigre. »

Nydia bondit comme si un trait lui eût percé le cœur ; elle jeta un cri perçant ; puis, tombant aux pieds de l’esclave, elle cria, d’un ton qui attendrit le cœur de cet homme plein de rudesse :

« Ah ! dis-moi que tu plaisantes… Tu ne peux dire la vérité !… Parle ! parle !

  1. Dans les maisons des grands, chaque appartement avait ses esclaves particuliers.