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DE POMPÉI

ments de sa grandeur, et unit dans une âme puissante les qualités du prophète et du roi. »

Après ce monologue triomphant, Arbacès sortit pour assister au procès de l’Athénien.

Les joues pâles et flétries de sa victime le touchèrent moins que la fermeté de son âme et l’intrépidité de son front ; car Arbacès était de ceux qui ont peu de pitié pour le malheur, mais qu’une forte sympathie attache aux courageux. Nous sommes entraînés vers les autres par les secrets rapports de notre nature. Le héros pleure moins sur l’adversité de son ennemi que sur la fierté avec laquelle il la supporte. Nous sommes tous des hommes, et Arbacès, si criminel qu’il fût, avait sa part des sentiments de l’humanité. S’il avait pu obtenir de Glaucus la confession écrite du crime qu’on lui imputait, confession qui l’aurait perdu aux yeux d’Ione plus que le jugement des autres, et aurait éloigné du vrai coupable tout risque d’être découvert, l’Égyptien eût fait tout au monde pour sauver son rival ; maintenant même sa haine était passée ; son désir de vengeance était apaisé ; il foulait aux pieds sa victime, non comme un ennemi, mais comme un obstacle à son bonheur. Il ne s’en montra pas moins résolu, pas moins rusé ni moins persévérant dans la volonté de détruire un homme dont la perte était nécessaire à ses desseins. Tandis qu’il mettait une répugnance et une compassion apparentes à rendre témoignage contre Glaucus, il fomentait secrètement, à l’aide des prêtres d’Isis, une indignation populaire assez forte pour empêcher la clémence du sénat. Il avait vu Julia ; il lui avait appris les détails qu’il tenait de Nydia ; il avait facilement, par conséquent, endormi les scrupules de conscience qui auraient pu la conduire à atténuer le crime de Glaucus, en avouant la part qu’elle croyait avoir à son délire ; il y avait d’autant mieux réussi que cette beauté vaine aimait plus la renommée, la prospérité de Glaucus, que Glaucus lui-même ; elle ne ressentait plus d’affection pour un homme tombé dans une telle disgrâce ; elle se réjouissait presque d’un malheur qui humiliait Ione, objet constant de sa haine. Si Glaucus ne pouvait être son esclave, il ne serait pas du moins l’adorateur de sa rivale. C’était une consolation suffisante pour tous les regrets que son sort pouvait lui inspirer. Légère et inconstante, elle commençait à se sentir flattée de la cour empressée de Claudius ; elle n’était pas femme à hasarder la perte d’une alliance avec ce patricien, vil de caractère, mais illustre par sa nais-