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DE POMPÉI

cette tête sacrée. Il lui semblait que c’était un être mis à part pour les félicités de la vie. Elle seule avait troublé le cours de ce bonheur ; elle ne savait pas que ces flots, jadis si brillants, se précipitaient vers les ténèbres et vers la mort. C’était uniquement pour lui rendre la raison qu’elle lui avait ravie, pour sauver l’existence qu’elle avait mise en danger, qu’elle implorait l’assistance du grand Égyptien.

« Ma fille, dit Arbacès en s’éveillant de sa rêverie, tu dois rester ici : il ne te convient pas d’errer dans les rues et d’être foulée aux pieds des esclaves sur le seuil des maisons. J’ai pitié de la faute où l’amour t’a entraînée ; je ferai tout pour y porter remède. Attends patiemment quelques jours, et Glaucus reviendra à la santé. »

Il dit, et, sans attendre sa réponse, sortit de la chambre, qu’il ferma avec une barre de fer, en donnant ordre à l’esclave chargé de l’entretien de cette partie de la maison de veiller sur sa prisonnière et de fournir à ses besoins.

Seul et plongé dans ses réflexions, il attendit alors les premières lueurs du jour, et, lorsqu’elles parurent, il sortit pour s’emparer, comme nous l’avons vu, de la personne d’Ione.

Son premier projet à l’égard del’infortunée Napolitaine était celui qu’il avait franchement avoué à Claudius, c’est-à-dire d’empêcher qu’elle ne témoignât trop d’intérêt à Glaucus pendant son procès, et qu’elle ne l’accusât lui-même (ce qu’elle n’aurait pas manqué de faire) de l’acte de perfidie et de violence dont il s’était précédemment rendu coupable envers elle. Ione eût révélé aussi les motifs de vengeance qu’il avait contre Glaucus, et l’hypocrisie de son caractère dévoilée aurait rendu la véracité d’un rival suspecte dans sa déposition contre l’Athénien. Ce ne fut qu’après l’avoir rencontrée le matin et avoir entendu ses dénonciations, qu’il comprit qu’il avait couru un autre danger par suite des soupçons qu’elle avait conçus. Il se flatta de l’idée que tous ces périls étaient écartés, du moment qu’il vit en son pouvoirl’objet de sa passion et de sa crainte. Il ajouta plus que jamais foi aux promesses favorables des astres ; et, lorsqu’il alla retrouver Ione dans la chambre la plus reculée de sa mystérieuse maison où il l’avait fait porter ; lorsqu’il la vit, accablée par tant de coups successifs, passer, avec des secousses répétées et de vives attaques de nerfs, de la violence à la stupeur, il songea plus à sa beauté, victorieuse de toutes ces épreuves, qu’aux chagrins qu’il avait attirés sur elle. Cette impitoyable vanité,