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LES DERNIERS JOURS

le funeste breuvage. Dans un autre moment, l’Égyptien aurait pris un philosophique intérêt à sonder les profondeurs et l’origine de l’étrange et dévorante passion que cette singulière fille avait osé nourrir dans sa cécité et dans son esclavage ; mais, dans cette circonstance, il ne pensait qu’à lui. Après son aveu, la pauvre Nydia se jeta à ses pieds en le suppliant de rendre la santé au Grec et de lui sauver la vie : car, dans sa jeunesse et dans son ignorance, elle s’imaginait que le sombre magicien pouvait faire l’un et l’autre. Arbacès, sans l’écouter, n’en comprit que mieux la nécessité de retenir Nydia prisonnière jusqu’à ce que le procès eût décidé du sort de Glaucus. Or, lorsqu’il ne la croyait la complice de Julia que pour aller à la recherche du philtre, il avait senti qu’il serait dangereux pour le plein succès de sa vengeance de laisser la jeune fille en liberté, de peur qu’elle ne parût comme témoin, et, en avouant la manière dont les esprits de Glaucus avaient été égarés, ne fournît une excuse à l’indulgence ; combien, à plus forte raison, ne devait-il pas redouter qu’elle ne courût de son plein gré confesser qu’elle avait administré la potion, et qu’inspirée par l’amour, elle n’essayât de racheter sa faute et de sauver celui qu’elle aimait, même au péril de sa propre honte ? En outre, combien n’aurait-il pas été indigne du rang et de la réputation d’Arbacès de se voir impliqué dans une affaire d’amour où il aurait flatté la passion de Julia, et assisté aux rites impies de la saga du Vésuve ! Son désir de persuader à Glaucus d’avouer le meurtre d’Apœcides, politique qu’il regardait comme la meilleure pour sa sûreté et le succès de son amour, avait pu seul le faire songer à un aveu de la part de la fille de Diomède.

Quant à Nydia, qui était nécessairement privée, par sa cécité, de la connaissance de la vie active, et qui, esclave et étrangère, ignorait naturellement les sévérités de la loi romaine, elle songeait bien plus à la maladie et au délire de son Athénien qu’à son crime, dont elle avait entendu vaguement parler, et aux dangers dont le procès le menaçait. Pauvre malheureuse qu’elle était, à qui personne n’adressait la parole et ne s’intéressait, que savait-elle du sénat et de ses sentences, des hasards de la loi, de la férocité du peuple, des arènes et du lion ? Elle était accoutumée à associer à la pensée de Glaucus tout ce qui était grand et prospère. Elle ne pouvait penser qu’un autre péril que la folie fût suspendu sur