— Ta douleur te fait perdre la raison, Ione, dit Arbacès en essayant de prendre le ton calme qui lui était habituel : je te pardonne ; tu me trouveras, comme toujours, ton meilleur ami. Mais la voie publique n’est pas un lieu convenable pour notre conférence… pour les consolations que j’ai à t’offrir. Esclaves, approchez. Allons, ma douce pupille, la litière vous attend. »
Les femmes qui accompagnaient Ione, surprises et terrifiées, entourèrent l’Égyptien et s’attachèrent à ses genoux.
« Arbacès, dit la plus âgée des femmes, tu outre-passes à coup sûr la loi. N’est-il pas écrit que, durant les neuf jours qui suivront les funérailles, les parents du mort ne seront pas troublés dans leur maison ni interrompus dans leur douleur ?
— Femme, répliqua Arbacès en étendant impérieusement la main, placer une pupille sous le toit de son tuteur n’est pas contrevenir aux lois des funérailles. Je te dis que j’ai l’autorisation du préteur. Ce débat est inconvenant. Qu’on la place dans la litière !… »
En parlant ainsi il passa son bras autour de la taille tremblante d’Ione. Elle recula, regarda fixement son visage, et puis s’écria, avec un éclat de rire convulsif :
« Ah ! ah ! c’est bien… très-bien ! excellent tuteur ! loi paternelle… ah ! ah ! » Et puis, effrayée elle-même de l’écho de ce rire terrible, elle tomba sans connaissance à terre… Un moment après, Arbacès l’avait placée dans la litière, les porteurs s’étaient mis en marche… et l’infortunée Ione disparut bientôt aux regards de ses femmes éplorées.
CHAPITRE X.
On se souviendra que, sur l’ordre d’Arbacès, Nydia avait suivi l’Égyptien dans sa demeure ; là, en conversant avec elle, il avait appris de son désespoir et de ses remords que c’était sa main, et non celle de Julia, qui avait versé à Glaucus