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LES DERNIERS JOURS

femmes, qui, comme on le sait, avaient craint jusqu’à cet instant d’accroître sa douleur en l’informant de l’état de Glaucus, elle apprit qu’il avait été dangereusement malade, qu’il était prisonnier dans la maison de Salluste, et que le jour où le procès devait se débattre était fixé.

« Que les dieux l’en préservent ! s’écria-t-elle. Et comment ai-je pu l’oublier si longtemps ? N’ai-je pas eu l’air de le fuir ? Oh ! que je lui rende enfin justice ! C’est à moi, la plus proche parente du défunt, d’attester que je suis convaincue de son innocence. Vite, vite, volons ! que j’adoucisse sa peine, que je le soutienne, que je l’entoure de soins ! S’ils refusent de me croire, si je ne puis les persuader, s’ils le condamnent à l’exil, à la mort, que je partage au moins son destin ! »

Elle pressait le pas instinctivement, confuse, éperdue, sans trop savoir où elle allait, tantôt ayant dessein de de se rendre chez le préteur, tantôt de courir auprès de Glaucus. Elle s’élança… elle traversalaportede la cité… elle était entrée dans la longue rue qui conduit à la ville… Les maisons étaient ouvertes, mais il n’y avait encore aucun mouvement dans les rues. La cité s’éveillait à peine à la vie, lorsqu’elle se trouva tout à coup en face d’un groupe d’hommes qui se tenaient à côté d’une litière couverte. Une grande figure sortit du groupe, et Ione poussa un cri en reconnaissant Arbacès.

« Belle Ione, dit-il avec douceur et sans paraître remarquer sa frayeur, ma pupille, mon élève ! pardonnez-moi si j’interromps votre pieux chagrin ; mais le préteur, jaloux de votre honneur, désire que vous ne soyez pas imprudemment impliquée dans le procès qui va s’ouvrir. Connaissant l’étrange embarras de votre position (puisqu’il s’agit pour vous de demander justice au nom d’un frère, tout en craignant le châtiment pour votre fiancé), plein de sympathie également pour l’état d’abandon où vous vous trouvez, pensant enfin que personne ne vous protège et qu’il y aurait de la cruauté à vous laisser sans guide, livrée à vos larmes solitaires, le préteur vous a sagement et paternellement confiée à votre gardien légal. Voici l’écrit qui vous remet à ma discrétion.

— Sombre Égyptien, s’écria Ione en se reculant avec fierté, retire-toi, c’est toi qui as tué mon frère : c’est à tes soins, à tes mains, rouges encore de son sang, qu’on remettrait sa sœur ! Ah ! tu pâlis, ta conscience se trouble ; tu trembles en songeant aux foudres d’un Dieu vengeur ! Passe ton chemin, et laisse-moi à ma douleur.