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DE POMPÉI

les plus anciennes de l’antiquité d’enterrer un jeune homme au point du jour : car, s’étudiant à offrir les plus douces interprétations de la mort, on se figurait poétiquement que l’Aurore, qui aimait les jeunes gens, les enlevait dans ses bras comme une céleste maîtresse ; et quoique, dans cette occasion, la fable ne pût s’appliquer au prêtre assassiné, on n’en suivait pas moins l’usage[1].

Les étoiles commençaient à abandonner une à une les cieux, qui prenaient une teinte grisâtre, et la nuit se retirait lentement devant le jour, lorsqu’un groupe sombre apparut immobile à la porte d’Ione. Des torches longues et minces, rendues plus pâles par la lueur naissante du matin, répandaient leurs lumières sur des physionomies diverses, qui avaient toutes néanmoins la même expression solennelle et attentive. Alors s’éleva une lente et triste musique, d’accord avec la cérémonie, et dont les sons retentirent à travers les rues solitaires, pendant que des femmes (ces Præficæ si souvent citées par les poëtes romains), chantant en chœur, accompagnaient des paroles suivantes les flûtes tibérines et mysiennes.

CHANT DES FUNÉRAILLES.

I

Sur le triste seuil où se penche
Le morne cyprès, dont la branche
Remplace la fleur des amours,
Nous voilà. Notre voix t’invite,
Sombre voyageur au Cocyte ;
Du dernier chemin suis le cours.
Des ombres le vaporeux groupe
T’attend au palais de la nuit,
Le noir fleuve emplira ta coupe,
Le fleuve qu’on passe sans bruit.

II

Dans ces lieux où le sort t’envoie,
Pour toi ni nuit ni jour de joie !
Adieu le rire et les plaisirs.
Là, tu verras les Danaïdes,


  1. C’était un usage plutôt grec que romain ; mais le lecteur remarquera que, dans les villes de la Grande-Grèce, les coutumes et les superstitions des Grecs s’étaient mêlées à celles des Romains.