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LES DERNIERS JOURS

— Ne t’emporte pas, Glaucus ; ne sois pas si vif. Le fait est prouvé. Tu es excusable de ne pas te rappeler un acte commis dans le délire, dont ta raison frémirait même d’avoir été témoin. Mais laisse-moi essayer de rafraîchir ta mémoire fatiguée et épuisée. Tu sais bien que tu marchais à côté du prêtre, vous disputant l’un l’autre à propos de sa sœur. Tu sais qu’il était intolérant, à moitié Nazaréen, qu’il cherchait à te convertir, et que vous vous querellâtes ; il calomniait ta manière de vivre, et jurait qu’il ne souffrirait pas que sa sœur t’épousât ; alors, dans ta colère et dans ta frénésie, tu lui as porté un coup fatal. Voyons, tu dois te souvenir de cela ?… Lis ce papier… il en contient la déclaration. Signe-la, et tu es sauvé.

— Barbare ! donne-moi cet écrit mensonger afin que je le déchire… Moi, l’assassin du frère d’Ione !… Moi, que j’avoue avoir enlevé un cheveu d’une tête qu’elle aimait !… Que je périsse plutôt mille fois !

— Prends garde ! dit Arbacès d’une voix basse et sifflante. Il n’y a qu’une alternative : ton aveu et ta signature, ou l’amphithéâtre et la dent du lion. »

L’œil de l’Égyptien fixé sur le patient remarqua avec joie les signes d’une vive émotion chez Glaucus à ces paroles. Un frisson parcourut le corps de l’Athénien. Sa lèvre trembla, et une expression de surprise se fit voir sur son front et dans son regard.

« Grands dieux ! dit-il à voix basse, quel changement ! Il n’y a qu’un jour, ce me semble, la vie me souriait au milieu des roses. Ione allait être à moi… la santé, la jeunesse, l’amour, me prodiguaient leurs trésors… Maintenant, la peine, la folie, la honte, la mort… Et pourquoi ? Qu’ai-je fait ? Oh ! je suis encore en délire.

— Signe, et sois sauvé, reprit l’Égyptien d’une voix douce.

— Jamais, tentateur ! s’écria Glaucus en proie à un nouvel accès de rage. Tu ne me connais pas ; tu ne connais pas l’âme superbe d’un Athénien ! La face de la mort que tu m’as présentée a pu m’effrayer un moment, mais la crainte est passée. Je ne crains que le déshonneur, qui est éternel. Quel homme voudrait avilir son nom pour sauver sa vie ? Quel homme échangerait une conscience pure pour des jours flétris ? Qui voudrait par un mensonge se vouer à la honte et mourir noirci aux yeux de la Renommée et d’Ione ? Si, pour conserver quelques jours d’une vie souillée, un homme avait cette bassesse, ne