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DE POMPÉI

muns alors, supportait une petite lampe qui brûlait près d’un lit étroit, et dont les rayons éclairaient d’une lumière pâle la figure de l’Athénien ; Arbacès fut ému de voir à quel point il était changé. Ses brillantes couleurs s’étaient évanouies ; ses joues étaient creusées ; ses lèvres étaient contractées et décolorées ; la lutte avait été terrible entre la raison et la folie, la vie et la mort. La jeunesse, la force de Glaucus avaient triomphé ; mais la fraîcheur du sang, la vivacité de l’âme, la vie de la vie, ce qui en fait la gloire et le charme, étaient perdus à jamais.

L’Égyptien s’assit tranquillement près du lit ; Glaucus demeura muet, sans s’apercevoir de sa présence ; enfin, après une longue pause, Arbacès parla ainsi :

« Glaucus, nous avons été ennemis : je viens seul vers toi dans le silence de la nuit, comme un ami, peut-être comme un sauveur. »

De même que le coursier tressaille d’horreur en reconnaissant la trace d’un tigre, de même le malade se souleva hors d’haleine, alarmé, palpitant, à la voix inattendue, à l’apparition soudaine de son ennemi. Leurs yeux se rencontrèrent, et ni l’un ni l’autre, pendant quelques instants, n’eut le pouvoir de détourner son regard ; la rougeur couvrit à plusieurs reprises la figure de l’Athénien, et la joue bronzée de l’Égyptien prit une teinte encore plus pâle. À la fin, Glaucus, se détournant avec un faible soupir, passa la main sur son front, se laissa retomber sur son lit et murmura :

« Est-ce que je rêve encore ?

— Non, Glaucus, tu es éveillé ; par cette main droite et par la tête de mon père, tu vois un homme qui peut te sauver. Écoute. Je sais ce que tu as fait, mais je sais aussi quelle est ton excuse, et toi-même tu l’ignores. Tu as commis un meurtre, c’est vrai, un sacrilége même : ne frémis pas ; sois calme : Mes yeux en ont été témoins, mais je puis te sauver. Je puis prouver que tu n’avais pas ta raison, que tu n’as pas agi en homme maître de ses idées et de ses actions. Mais, pour que je te sauve, il faut que tu avoues ton crime… Signe ce papier. Reconnais que ta main a donné la mort à Apœcides, et tu éviteras l’urne fatale.

— Q’est-ce que j’entends ?… Meurtre… Apœcides… ne l’ai-je pas trouvé étendu par terre, le corps sanglant… déjà mort ? et prétends-tu me prouver que j’ai commis ce crime ?… Homme, tu mens… Va-t’en…