Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/307

Cette page n’a pas encore été corrigée
295
DE POMPÉI

ceux qu’elles ont habités autrefois. Mais de tels songes n’arrêtaient pas Arbacès.

« Lève-toi, dit-il en touchant le corps du pied ; tu obstrues le chemin.

— Ah ! qui es-tu ? cria une voix aiguë ; et la forme se dressa, un rayon de lune éclaira le pâle visage de Nydia la Thessalienne. Qui es-tu ? répéta-t-elle, je connais le son de ta voix.

— Jeune aveugle, que fais-tu à cette porte si tard ?… est-ce convenable à ton sexe et à ton âge ?… à la maison, jeune fille !

— Je te connais, reprit Nydia à voix basse, tu es Arbacès l’Égyptien. » Alors, comme entraînée par une soudaine impulsion, elle se jeta à ses pieds, joignit les mains, et s’écria d’un tonéperdu et passionné : « Homme redoutable et puissant, sauvez-le, sauvez-le, il n’est pas coupable, c’est moi, il est dans cette maison… malade, mourant, et moi… je suis la cause détestable de tout, ils ne veulent pas me laisser pénétrer jusqu’à lui… ils repoussent la pauvre jeune fille aveugle… Oh ! guérissez-le… vous devez connaître quelque herbe… quelque talisman… quelque contre-philtre ; car c’est le breuvage qui a excité cette frénésie…

— Tais-toi, enfant, je sais tout… tu n’as pas oublié que j’ai accompagné Julia à la caverne de la saga… sa main lui aura versé la potion… mais sa réputation exige le silence… Ne te fais pas de reproche… ce qui doit être sera… Je vais voir le criminel, il peut encore être sauvé… adieu ! »

Arbacès se débarrassa alors de l’étreinte de la Thessalienne désespérée et frappa fortement à la porte. Peu d’instants après, les pesantes barres de fer furent enlevées, et le portier, entr’ouvrant la porte, demanda qui était là.

« Arbacès… qui désire parler à Salluste pour une importante affaire au sujet de Glaucus. Je viens de chez le préteur. »

Le portier, moitié bâillant, moitié gémissant, fit entrer le majestueux Égyptien. Nydia s’élança sur ses pas…

« Comment va-t-il ? s’écria-t-elle ; dites-le moi, dites-le moi !

— Ah ! c’est encore toi, folle enfant ! tu devrais rougir… on dit qu’il est revenu à lui…

— Les dieux soient loués ! et vous ne voulez pas m’admettre en sa présence… ah ! je vous en prie !…

— T’admettre ! certainement non… je ferais un grand tort à mes épaules si je laissais passer des créatures de ton espèce… Va-t’en ! »