Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/306

Cette page n’a pas encore été corrigée
294
LES DERNIERS JOURS

— Il faut prévenir un tel scandale.

— Je pense que j’ai pris quelques précautions utiles à cet égard : je suis son tuteur, et j’ai obtenu la permission de l’emmener chez moi, après les funérailles d’Apœcides ; là, s’il plaît aux dieux, elle sera en sûreté.

— Vous avez bien fait, sage Arbacès ; mais voici la maison de Salluste. Que les dieux vous gardent ! Un mot encore, Arbacès ! pourquoi paraissez-vous en général si sombre et si insociable ? On assure que vous savez être gai comme un autre à l’occasion… laissez-moi vous initier aux plaisirs de Pompéi… je me flatte que personne ne les connaît mieux que moi !

— Je vous remercie, noble Claudius ; sous vos auspices, je pourrais, en effet, me risquer à porter le philyra ; mais, à mon âge, je serais un pupille assez maladroit.

— Oh ! ne craignez rien, j’ai converti des septuagénaires. Les gens riches n’ont pas de vieillesse.

— Vous me flattez : plus tard je vous ferai souvenir de votre promesse.

— Marcus Claudius sera à vos ordres en tout temps. ainsi donc, vale.

— Je ne suis pas, se dit l’Égyptien, quand Claudius l’eut quitté, je ne suis pas un homme de sang ; je sauverai volontiers ce Grec, si, en avouant le crime, il consent à perdre Ione pour toujours, et à me délivrer de la crainte d’être découvert, et je puis le sauver, en persuadant à Julia de reconnaître hautement qu’elle lui a donné le philtre : ce sera son excuse ; mais s’il ne confesse pas le crime, pourquoi condamner Julia à cette honte, puisqu’il faut qu’il meure ? Car il le faut, d’abord pour ne pas demeurer mon rival parmi les vivants, et puis pour expier mon crime auprès des morts. Mais avouera-t-il ? Ne peut-on le convaincre qu’il a porté le coup dans un accès de délire ? ce serait pour moi une sûreté plus grande que sa mort 1 Allons, tentons l’expérience. »

Arbacès, en se glissant le long d’une rue étroite, s’était approché de la maison de Salluste ; il vit une figure sombre enveloppée dans un manteau, couchée sur le seuil de la porte.

Cette forme était si immobile, et les contours en étaient si vagues, que tout autre qu’Arbacès aurait cru, dans une frayeur superstitieuse, rencontrer une de ces sombres lemures, qui, entre tous autres lieux, préfèrent, pour revenir les hanter,