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DE POMPÉI

— Elle est à quelques pas d’ici, sageArbacès ; mais Salluste reçoit-il ce soir ?

— Je n’en sais rien, répondit l’Égyptien, et je ne suis pas de ceux qu’il aimerait probablement à avoir pour compagnons ; mais vous savez que c’est dans sa maison qu’on a porté Glaucus, le meurtrier ?

— Ah ! ce bon cœur d’épicurien ! il croit à l’innocence du Grec. Vous me rappelez en effet qu’il l’a cautionné, et que, jusqu’au procès, il est responsable de sa comparution. La maison de Salluste vaut mieux en effet qu’une prison, surtout que ce misérable trou du forum. Mais pourquoi cherchez-vous à voir Glaucus ?

— Pourquoi ? si nous pouvions, noble Claudius, lui épargner l’exécution, ce serait fort heureux. La condamnation d’un homme riche est un coup porté à la société elle-même ; je voudrais causer avec lui, car on assure qu’il a recouvré ses sens, afin de bien connaître les motifs de son crime ; il y aura peut-être des circonstances atténuantes à faire valoir en sa faveur.

— Vous êtes bienveillant, Arbacès.

— La bienveillance est le devoir de celui qui aspire à la sagesse, répliqua l’Égyptien avec modestie. Quel chemin conduit à la demeure de Salluste ?

— Je vais vous la montrer, répondit Claudius, si vous voulez me permettre de vous accompagner quelques instants. Mais, dites-moi, que devient la pauvre fille qui allait épouser l’Athénien, la sœur du prêtre assassiné ?

— Hélas ! elle a presque perdu la raison… quelquefois elle exhale des imprécations contre le meurtrier, puis elle s’interrompt tout à coup, elle crie : « Mais pourquoi le maudire ? ô mon frère ! Glaucus n’est pas ton assassin ! Je ne le croirai jamais. » Elle recommence, elle s’interrompt de nouveau, elle murmure avec effroi : « Si c’était lui pourtant ! »

— Malheureuse Ione !

— Mais il est heureux pour elle que les devoirs solennels que la religion ordonne de rendre aux morts aient gravement détourné son attention d’elle-même et de Glaucus ; dans la douleur où elle est plongée, elle semble à peine se souvenir que Glaucus est arrêté et à la veille d’un procès. Lorsque les honneurs funèbres auront été rendus à Apœcides, son appréhension reviendra, et alors, je crains beaucoup que ses amis ne soient révoltés de la voir voler au secours du meurtrier de son frère.