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DE POMPÉI

autour de ces deux personnages qui devenaient les principaux acteurs de la scène.

« Je sais, dit Arbacès, quel est mon accusateur, et je devine pourquoi il m’interpelle ainsi. Citoyens, je vous signale cet homme comme le plus fougueux des Nazaréens, ou des chrétiens, je ne sais pas bien comment on les appelle. Qu’y a-t-il d’étonnant à ce qu’il ose accuser lui-même un Égyptien du meurtre d’un prêtre d’Égypte ?

— Je le connais ! je connais ce chien ! crièrent plusieurs voix. C’est Olynthus le chrétien, ou plutôt l’athée… Il nie les dieux.

— Paix, frères ! reprit Olynthus avec dignité. Écoutez-moi. Ce prêtre d’Isis, assassiné, avait embrassé le christianisme avant sa mort ; il m’avait révélé les mystérieuses débauches et les supercheries de ces Égyptiens, les momeries et les impostures du temple d’Isis : il se préparait à les faire connaître publiquement. Lui, un étranger, inoffensif, sans ennemis !… Qui a pu verser son sang, si ce n’est un de ceux qui craignaient son témoignage ? et ce témoignage, qui pouvait le redouter plus qu’Arbacès l’Égyptien ?

— Vous l’entendez ? s’écria Arbacès ; vous l’entendez… Il blasphème : demandez-lui s’il croit à Isis.

— Comment croirais-je à un impur démon ? » répondit audacieusement Olynthus. »

Une longue rumeur et un frisson coururent dans l’assemblée : Sans s’étonner, car il étaitpréparé depuis longtemps au péril, et perdant même en ce moment toute prudence, le chrétien continua :

« Arrière, idolâtres ! cette dépouille n’est pas faite pour vos rites vains et impurs… Elle nous appartient… Ce sont les serviteurs du Christ qui doivent rendre les derniers devoirs à un chrétien. Je réclame ses restes au nom du grand Créateur qui a rappelé à lui ses esprits. »

Ces mots furent prononcés d’une voix si solennelle et si imposante, que la foule elle-même n’osa pas laisser paraître la haine et l’exécration dont elle se sentait pénétrée ; et jamais peut-être, depuis que Lucifer et l’archange se disputèrent le corps du grand législateur, il n’y eut, pour le génie de la peinture, un sujet plus frappant que celui qu’offrait cette scène.

Les arbres épais, la hauteur du temple voisin, la lune, dont les rayons tombaient sur ce corps inanimé, les torches éclairant çà et là le fond de la scène, les expressions diverses des