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LES DERNIERS JOURS

être un rival pour moi… Mais la destinée doit avoir son cours ; ma sûreté demande ce sacrifice. »

Puis, pour étouffer cette pitié momentanée, il cria plus fort qu’auparavant ; et, tirant de la ceinture de Glaucus le style qui y était attaché, ille plongea dans le sang du malheureux assassiné, et le posa à côté du corps.

Alors arrivèrent plusieurs citoyens, empressés et hors d’haleine ; quelques-uns avec des torches, que la clarté de la lune ne rendait pas nécessaires, mais qui flamboyaient d’une manière sinistre à travers les arbres : ils entourèrent la place.

« Emportez ce corps, dit l’Égyptien, et emparez-vous du meurtrier. »

Ils soulevèrent le corps, et grande fut leur horreur, ainsi que leur sainte indignation, lorsqu’ils découvrirent que cet être inanimé était un prêtre de la vénérable et adorée Isis ; mais leur surprise fut encore plus grande quand ils virent que l’accusé était le brillant Athénien si admiré par eux tous.

« Glaucus ! s’écrièrent les assistants d’une commune voix. Est-ce croyable ?…

— Je croirais plus volontiers, dit un homme à son voisin, que c’est l’Egyptien lui-même.

»

Un centurion se jeta dans la foule avec un air d’autorité.

« Ah ! du sang versé ! dit-il. Quel est le meurtrier ? »

Les assistants montrèrent Glaucus.

« Lui ! par Mars ! il a plutôt l’air d’une victime. Qui l’accuse ?

— Moi ! » dit Arbacès en se redressant avec fierté.

Et les joyaux qui garnissaient sa robe, resplendissant aux yeux du digne guerrier, lui persuadèrent aisément que c’était là un témoin des plus honorables.

« Pardonnez-moi ; votre nom ? dit-il.

— Arbacès ; il est bien connu, je crois, à Pompéi. En passant dans ce bosquet, j’ai vu ce Grec et le prêtre ensemble : leur conversation était très-animée. Je fus frappé des mouvements désordonnés du premier, de ses gestes violents, de sa voix éclatante. Il me paraissait ivre ou fou. Soudain je l’ai vu tirer son style… Je me suis élancé, mais trop tard, pour empêcher le coup. Il avait frappé deux fois sa victime, et se penchait sur son corps, lorsque, dans mon horreur et dans mon indignation, je l’ai jeté violemment lui-même la face contre terre… Il est tombé sans lutte, ce qui me fait supposer qu’il n’était pas maître de ses sens lorsqu’il a commis le crime : car,