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LES DERNIERS JOURS

démon : avant que le soleil ait brillé trois fois, tu l’apprendras. Sombre magicien, tremble ; adieu. »

Toutes les passions ardentes et farouches que l’Égyptien avait reçues en héritage de sa nature et de son climat, et qu’il avait peine à cacher sous les apparences de la douceur et d’une froide philosophie, se déchaînèrent à la fois dans son cœur. Une pensée succédait rapidement à une autre pensée ; il voyait devant lui un obstacle invincible à une alliance légitime avec Ione ; il voyait le compagnon de Glaucus dans la lutte qui avait renversé ses desseins ; l’homme qui devait déshonorer son nom, le déserteur de la déesse qu’il servait sans croire à son culte, le révélateur avoué et prochain de ses impostures et de ses vices. Son amour, sa réputation, sa vie entière, se trouvaient en danger ; le jour et l’heure étaient déjà désignés pour l’atteindre. Il apprenait par les propres paroles du néophyte qu’Apœcides avait adopté la foi chrétienne ; il connaissait le zèle indomptable qui animait les prosélytes de cette foi : tel était le nouveauconverti. Il mit la main sur son style ; cet ennemi était en son pouvoir, ils étaient en ce moment devant la chapelle. Il jeta de nouveau un regard furtif autour de lui ; il ne vit personne ; le silence et la solitude vinrent le tenter.

« Meurs donc, dit-il, dans ta témérité ; disparais, obstacle vivant de mes destinées ! »

Et à l’instant où le chrétien allait le quitter, Arbacès leva la main au-dessus de l’épaule gauche d’Apœcides et plongea sa lame aiguë à deux reprises dans la poitrine du jeune prêtre.

Apœcides tomba percé au cœur… Il tomba mort sans un soupir au pied de la chapelle sacrée.

Arbacès le considéra un moment avec la joie animale et féroce que donne la mort d’un ennemi ; mais l’idée du danger auquel il venait de s’exposer s’empara bientôt de son esprit… Il essuya avec soin son arme sur le gazon et avec les vêtements mêmes de la victime, s’enveloppa de son manteau, et se disposa à partir, lorsqu’il vit venir à lui un jeune homme dont les pas vacillaient et chancelaient d’une façon singulière à mesure qu’il s’approchait ; un rayon de lune éclaira la figure de l’étranger ; cette figure, sous cette lueur blafarde, parut à Arbacès aussi blanche que le marbre. Il reconnut les traits et la taille de Glaucus ; le Grec infortuné chantait une chanson décousue et triste, composée dé fragments d’hymnes et d’odes sacrées, entremêlés sans ordre et sans intelligence.