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DE POMPÉI

—… les mânes de mes ancêtres ne me permettraient pas de te pardonner. Mais écoute, tu es courroucé parce que j’ai voulu faire violence à ta sœur… Calme-toi un instant… un seul instant, je te prie… tu es dans ton droit. Ce fut le délire de l’amour et de la jalousie… Je me suis repenti amèrement de ma folie… pardonne-moi. Je n’ai jamais imploré le pardon d’un être vivant, jete prie de me pardonner, oui, je réparerai l’insulte ; je demande ta sœur en mariage ; ne frémis pas… réfléchis… Qu’est-ce que l’alliance de ce Grec frivole à côté de la mienne ? Une fortune incalculable… une naissance telle que les noms grecs ou romains ne sont que d’hier auprès de son ancienneté ; la science… mais tu sais tout cela. Je te demande ta sœur, et ma vie entière sera consacrée à réparer l’erreur d’un moment.

— Égyptien, quand je céderais à ton vœu, ma sœur abhorre l’airquetu respires ; mais j’ai mes propres griefs à te pardonner. Je puis oublier que tu m’as pris pour instrument de tes desseins, mais jamais que tu m’as séduit au point de me faire partager tes vices, que tu as fait de moi un homme souillé et parjure. Tremble ; dans ce moment même, je prépare l’heure qui doit démasquer toi et tes faux dieux ; ta vie débauchée comme celle des compagnons de Circé sera exposée au grand jour ; tes oracles menteurs seront dévoilés. Le temple de de l’idole Isis deviendra un objet de mépris : le nom d’Arbacès sera un but pour les railleries et l’exécration du peuple. »

À la rougeur qui avait couvertle front de l’Égyptien succéda une pâleur livide ; il regarda derrière lui, devant, autour de lui, pour s’assurer que personne n’était là, et fixa ensuite son noir et large regard sur le jeune prêtre, avec une expression de colère et de menace qu’aucun autre qu’Apœcides, soutenu par la ferveur de son zèle ardent et divin, n’aurait pu supporter sans effroi, tant cette expression était terrible. Le jeune converti demeura impassible sous ce regard, et y répondit par un air d’orgueilleux défi.

« Apœcides, reprit l’Égyptien d’une voix sourde et émue, prends garde ! Que médites-tu ? Parles-tu (réfléchis bien avant de me répondre) sous l’impression de la colère, sans dessein préconçu, ou bien as-tu dans l’âme quelque projet arrêté ?

— Je parle d’après l’inspiration du vrai Dieu, dont je suis à présent le serviteur, répondit hardiment le chrétien, etavec la connaissance certaine que la grâce a déjà marqué le jour où le courage humain triomphera de ton hypocrisie et du culte du