Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/291

Cette page n’a pas encore été corrigée
279
DE POMPÉI


_____________________________


CHAPITRE VI.

Réunion de différents personnages. — Des fleuves qui, en apparence, coulaient séparément, unissent leurs eaux dans le même golfe.


Impatient de savoir si la potion fatale avait été administrée et quel effet elle avait pu produire, Arbacès résolut, ce soir-là même, de se rendre chez Julia, pour satisfaire sa curiosité. Il était d’usage, je l’ai déjà fait remarquer, que les hommes sortissent à cette époque avec leurs tablettes et leur style attachés à leur ceinture ; ils ne les déposaient que dans leur intérieur. En réalité, sous la forme d’un instrument qui servait à écrire, ils portaient avec eux dans ce style une arme aiguë et formidable[1]. Ce fut avec le style que Cassius frappa César dans le sénat. Prenant donc sa ceinture et son manteau, Arbacès sortit de sa maison, en maintenant avec un long bâton ses pas encore faibles, quoique l’espoir et la vengeance eussent conspiré, avec ses profondes connaissances médicales, à rétablir ses forces naturelles. Il prit le chemin de la maison de campagne de Diomède.

Quel beau clair de lune que celui des pays du Sud ! dans ces climats, la nuit et le jour se confondent si rapidement, que le crépuscule met à peine un intervalle entre la venue de l’une et le départ de l’autre. Un instant de pourpre plus foncé dans les nues, mille teintes roses sur les eaux !… une ombre à moitié victorieuse de la lumière !… et les étoiles innombrables éclatent aussitôt dans les cieux… la lune monte d’un prompt essor… la nuit a recommencé son règne.

L’astre de la nuit éclairait d’une lumière douce et brillante l’antique bosquet consacré à Cybèle… Les arbres majestueux dont l’âge remontait au delà même de la tradition jetaient leurs longues ombres sur la terre, tandis qu’à travers les ouvertures de leurs branches, scintillaient les étoiles. La blancheur du sacellum situé au milieu du bosquet, et environné d’un sombre feuillage, présentait quelque chose d’abrupt et de frappant ; il

  1. … De ce style est provenu sans doute le stylet des Italiens.