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DE POMPÉI

tu puisses faire avec tes agiles bras d’argent. Tiens ! maintenant, quelle forme se dessine là-bas, à travers les branches ? Elle glisse comme un rayon de la lune. Elle porte sur la tête une guirlande de feuilles de chêne ! Elle a dans la main un vase renversé d’où elle fait couler de petits coquillages rares et des eaux étincelantes. Oh ! regardez cette figure… Aucun homme n’en a vu de pareille ! Regardez. Nous sommes seuls… Il n’y a qu’elle et moi dans la vaste forêt. Aucun sourire sur ses joues… Elle marche gravement, doucement, mélancoliquement. Ah ! fuyez… C’est une nymphe, une des sauvages Napææ[1]. Qui les voit devient fou !… Fuyez… elle m’a découvert.

— Oh ! Glaucus, ne me reconnais-tu pas ? Ne délire pas ainsi, ou tes paroles vont me donner la mort ! »

Un nouveau changement sembla s’opérer dans l’esprit éperdu, bouleversé, de l’infortuné Athénien. Il posa ses mains sur la soyeuse chevelure de Nydia ; il en caressa les boucles ; il la regarda attentivement, et comme, dans la chaîne rompue de ses idées, se tenaient encore deux ou trois anneaux, sa figure parut lui rappeler le souvenir d’Ione ; et cette vague image rendit sa démence plus forte encore, en y joignant toute l’impétuosité de la passion.

« Je jure, s’écria-t-il, par Vénus, par Diane ou par Junon, que, bien que j’aie en ce moment le monde sur mes épaules, comme autrefois mon compatriote Hercule… Ah ! oui, stupides Romains, tout ce qui a été grand a été grec ; et sans nous vous n’auriez pas de dieux… Qu’est-ce que je disais ?… Comme mon compatriote Hercule l’avait avant moi… Ce monde… je le laisserais tomber dans le chaos pour un sourire d’Ione. Ah ! beauté adorée, ajouta-t —il avec une plaintive douceur d’un caractère inexprimable, tu ne m’aimes pas ! tu n’es pas bonne pour moi… L’Égyptien m’a calomnié près de toi, tu ignores combien d’heures j’ai passées à errer autour de ta maison… tu ne sais pas combien de fois j’ai veillé en compagnie des étoiles, attendant que toi, mon soleil, tu parusses à la fin ; et tu ne m’aimes pas, tu m’abandonnes… Oh ! ne me quitte pas maintenant ! Je sens bien que je n’ai que peu de temps à vivre ; laisse-moite contempler jusqu’au dernier moment… ! Ne suis-je pas né dans la brillante contrée de tes pères ?… J’ai gravi les hauteurs de Phyle, j’ai cueilli l’hyacinthe et la rose parmi les bouquets d’oliviers de l’Ilyssus. Tu ne dois pas m’aban-

  1. Elles président aux bois et aux montagnes.