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DE POMPÉI

instants et revint avec une coupe qui contenait le breuvage ; Glaucus le prit de sa main. Que n’aurait pas donné Nydia en ce moment pour sortir de sa cécité pendant une heure, afin de voir ses espérances se réaliser ; de distinguer les premières lueurs de cet amour qu’elle rêvait ; d’adorer, avec toute la ferveur des Perses le lever de ce soleil qui devait, selon son âme crédule, illuminer à jamais les ténèbres de sa nuit terrible ! Il y avait une grande différence entre les émotions de la fille aveugle et cellesquiavaient agité l’orgueilleuse Pompéienne, dans une semblable attente. Combien de frivoles passions occupaient celles-ci ! Que de petitesse et de dépit, quel misérable sentiment de vengeance, quel désir d’un sot triomphe, profanaient le culte qu’elle honorait du nom d’amour ! Dans le cœur de la Thessalienne tout était passion, passion pure, que rien ne contrôlait, ne modifiait ; passion, il est vrai, aveugle, insensée, sauvage, mais à laquelle ne se mêlait aucun élément vil et bas. La vie et l’amour se confondaient en elle ; comment aurait-elle pu résister à l’occasion de conquérir l’amour de Glaucus en retour du sien ?

Elle s’appuya pour se soutenir contre le mur, et sa figure, de pourpre tout à l’heure, était à présent blanche comme la neige ; ses mains délicates étaient convulsivement serrées : et les lèvres entr’ouvertes, les yeux à terre, elle attendait avec anxiété les premiers mots que Glaucus allait prononcer.

Il avait déjà porté la coupe à ses lèvres, il avait bu à peu près le quart de ce qu’elle contenait, lorsque son regard tomba sur la figure de Nydia et en remarqua l’altération. Cette expression d’attente et d’effroi était si étrange, qu’il cessa de boire tout à coup, et, tenant encore la coupe près de ses lèvres, s’écria :

« Mais Nydia, pauvre Nydia, tu es malade. Il faut que tu souffres de quelque mal violent, ta figure ne l’indique que trop. Qu’as-tu donc, ma pauvre enfant ? »

En prononçant ces mots, il posa la coupe à terre et se leva de son siège pour s’approcher d’elle, lorsqu’il sentit tout à coup unedouleur soudaine glacerson cœur, etune sensation confuse, vertigineuse, ébranler son cerveau. Le pavé sembla se dérober sous lui, comme si son pied ne frappait que l’air… Une gaieté irrésistible et surnaturelles’empara de son esprit ; il était trop léger pour la terre ; il eût voulu avoir des ailes ; on eût dit même que, dans cette nouvelle existence, il croyait en avoir déjà. Il poussa involontairement un long et bruyant éclat de