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LES DERNIERS JOURS

lèvres ne doivent pas révéler, rappelé sur la terre pour témoigner de la puissance du ciel, redevenu mortel afin d’attester l’immortalité, je reçus un nouvel être de la tombe. 0 malheureuse Jérusalem ! Jérusalem déchue et perdue ! Celui qui m’avait rendu à l’existence, je le vis condamné à une nuit pleine d’angoisses, j’assistai à son agonie ; dumilieu de la foule, j’aperçus la lumière qui s’arrêtait et brillait sur la croix. J’entendis les clameurs de la populace. Je criai, éperdu, menaçant : personne ne prit garde à moi ; jétais perdu dans le tourbillon et dans les rumeurs de la foule ! Mais alors même, dans ma douleur et dans lasienne, je crus voir les yeux dufils de l’homme me chercher ; ses lèvres souriaient, au moment où il conquérait la mort. Elles me disaient de me taire, et je me calmai. Qu’était la mort, pour lui qui m’avait arraché du tombeau ? Le soleil éclaira de côté ses traits pâles et puissants, et le jour mourut. Les ténèbres couvrirent la terre ; combien de temps elles durèrent, je ne le sais pas. Un cri traversa l’obscurité, un cri perçant et aigu, et tout devint silencieux.

« Mais qui pourrait décrire l’horreur de cette nuit ? Je marchais à travers la cité, la terre vacillait de moments en moments ; les maisons tremblaient sur leurs fondements ; les vivants avaient déserté les rues, mais non pas les morts. Je les voyais se glisser dans l’ombre, sombres et terribles fantômes, avec les vêtements de la tombe ; l’horreur, l’angoisse, le mystère, se peignaient sur leurs lèvres immobiles et dans leurs yeux sans éclat ; ils me touchaient en passant ; ils me regardaient : j’avais été leur frère ; ils me saluaient comme une connaissance ; ils s’étaient relevés pour apprendre aux vivants que les morts peuvent ressusciter. »

Le vieillard s’interrompit de nouveau, puis reprit d’un ton moins animé :

« À partir de cette nuit, j’écartai toute pensée terrestre pour ne servir que lui. Prédicateur et pèlerin, j’ai parcouru les régions les plus lointaines de la terre, proclamant sa divinité et augmentant le nombre de son troupeau. Je viens comme le vent, et comme le vent je pars, répandant comme lui la semence qui enrichit le monde.

« Mon fils, nous ne nous rencontrerons plus sur la terre ; n’oublie pas cette heure. Que sont les plaisirs et les pompes de la vie ? De même que la lampe, la vie brille une heure ; mais la lumière de l’âme est l’étoile qui brille pour toujours au sein de l’espace illimité. »