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DE POMPÉI

désormais sur la terre sont courts et comptés ; je les emploie, comme il convient que je le fasse, à voyager d’un lieu à pn autre, pour donner de la force à ceux que Dieu rassemble en son nom, et pour proclamer la gloire de son fils, dont je suis le vivant témoignage.

— Vous avez contemplé, dit-on, la face du Christ ?

— Et sa face m’a retiré du nombre des morts. Apprends, jeune néophyte de la vraie foi, que je suis celui dont tu as lu l’histoire dans l’Évangile de l’apôtre. Dans la lointaine Judée, en la ville de Naïm, habitait une veuve humble d’esprit et de cœur. De tous les liens qui attachent à la vie, il ne lui était resté qu’un fils, et elle l’aimait d’un amour mélancolique, car son image lui rappelait tout ce qu’elle avait perdu. Ce fils vint à mourir : le roseau sur lequel elle s’appuyait fut brisé, et l’huile se dessécha dans la lampe de la veuve. On mit le mort dans une bière, et, comme on l’emportait au tombeau, en passant près des portes de la ville, où la foule était rassemblée, il se fit soudain un grand silence au milieu des gémissements du deuil, car le fils de Dieu passait. La mère, qui suivait la bière, pleurait, sans bruit, hélas ! mais tous ceux qui la voyaient comprenaient à quel point son cœur était déchiré. Dieu eut pitié d’elle ; il toucha la bière et parla ainsi : Je te le dis, lève-toi ! et le mort s’éveilla et regarda la face du Seigneur. Oh ! ce front calme et solennel, ce sourire qu’on ne saurait dépeindre, cette figure chargée des soucis de l’humanité, mais éclairée par la bonté d’un Dieu, chassèrent les ombres de la mort. Je me levai, je parlai, j’étais vivant et dans les bras de ma mère… oui, j’étais le mort ressuscité 1 Le peuple jeta un long cri de reconnaissance ; des sons joyeux retentirent à la place des sons funèbres : ce fut une acclamation générale : « Dieu a visité son peuple ! » Moi seul je ne l’entendis pas ; je ne sentis, je ne vis rien que la face du Rédempteur. »

Le vieillard s’arrêta, profondément ému ; le sang du jeune homme se glaça, et ses cheveux se dressèrent sur son front. Il était en présence d’un homme qui avait connu les mystères de la mort.

« Jusqu’à ce moment, reprit le fils de la veuve, j’avais été, comme les autres hommes, léger sans être dissolu ; ne songeant guère qu’à rire età aimer ; j’avais failli embrasser les obscures croyances des Saducéens. Mais, réveillé d’entre les morts, du sein des songes arides et terribles que ces