Page:Lytton - Les derniers jours de Pompéi, 1859.djvu/280

Cette page n’a pas encore été corrigée
268
LES DERNIERS JOURS

sur son fuseau. La veuve Fulvie gagna une large coupe ; Julia, une agrafe de manteau d’homme ; Lepidus, une boîte à mouches pour dames. Le lot le mieux approprié échut au joueur Claudius, qui rougit de colère en recevant des dés pipés. La gaieté que la distribution de ces divers lots avait provoquée fut assombrie par un accident qu’on considéra comme de fâcheux auguré. Glaucus avait obtenu du sort le lot le plus heureux : une petite statue de marbre représentant la Fortune, d’un travail grec des plus exquis. L’esclave qui la lui apportait la laissa tomber, et elle se brisa en mille morceaux.

Un frisson courut dans l’assemblée, et chaque voix s’éleva spontanément pour prier les dieux de détourner ce présage.

Glaucus seul, bien que superstitieux comme les autres, montra beaucoup de fermeté.

« Douce Napolitaine, dit-il en se tournant vers Ione, qui avait pâli à la vue de la statue brisée, j’accepte le présage : il signifie que la Fortune, en te donnant à moi, ne peut donner rien de plus ; elle brise son image pour ne me laisser que la tienne. »

Afin de dissiper l’impression que cet incident avait occasionnée dans l’assemblée, et qui, attendu le rang des convives, pourrait nous paraître extrêmement superstitieuse, si de nos jours encore nous ne voyions pas, dans quelque partie de campagne, une dame quitter avec une humeur voisine de l’hypocondrie un salon où se sont trouvées treize personnes, Salluste couvrit sa coupe de fleurs et porta une santé à l’amphitryon. Cette santé fut suivie d’une autre pour l’empereur, et enfin d’une dernière en l’honneur de Mercure, messager des songes agréables. Une libation termina le banquet, et la compagnie se sépara.

On usait assez rarement de chars et de litières à Pompéi, tant à cause de l’étroitesse des rues que de la petitesse de la ville. Plusieurs des convives reprirent leurs sandales, qu’ils avaient laissées à la porte de la salle du banquet, et, s’enveloppant de leurs manteaux, se retirèrent à pied, accompagnés de leurs esclaves.

Glaucus, après avoir vu partir Ione, se dirigea vers l’escalier qui descendait à la chambre de Julia. Une esclave le conduisit à cet appartement, où il trouva la fille du marchand déjà assise.

« Glaucus, lui dit-elle en baissant les yeux, je vois que vous aimez réellement Ione elle est bien belle en effet.