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LES DERNIERS JOURS

Cette apparition, qu’une corde seule séparait du péricrâne des convives, et qui, dans ses joyeux ébats, semblait menacer à chaque instant d’une descente prochaine leurs régions cérébrales, serait probablement de nos jours considérée avec terreur par la société de May-Fair ; mais nos amateurs pompéiens paraissaient contempler ce spectacle avec autant de plaisir que de curiosité. Ils applaudissaient d’autant plus vivement que le danseur s’approchait plus près de la tête de l’un d’eux. Il fit au sénateur l’honneur de se laisser tomber et de ressaisir la corde, au moment où tout le monde croyait que le crâne du Romain était fracturé, comme celui du poëte qu’un aigle prit pour une tortue. Enfin, au grand contentement d’Ione, qui ne prenait pas beaucoup de plaisir à ce divertissement, le danseur de corde s’arrêta tout à coup, pendant qu’un accord de musique se faisait entendre au dehors. Il dansa de nouveau avec plus d’agilité. L’air changea ; le danseur fit une nouvelle pause ; mais rien ne semblait pouvoir dissiper le charme dont on le supposait possédé. Il représentait un homme qu’une maladie étrange force à danser, et qu’un certain air seul était capable de guérir[1]. Enfin le musicien parut prendre le véritable ton ; le danseur bondit, s’élança de la corde à terre, et soudain on ne le vit plus.

Après ce divertissement, un autre ; les musiciens placés sur la terrasse jouèrent un air doux et tendre, auquel se joignaient les paroles suivantes, qui furent à peine entendues, non moins à cause de la distance, que parce qu’elles furent dites presque à voix basse :


LA MUSIQUE DES FESTINS NE DOIT PAS ÊTRE BRUYANTE.

Notre musique envoie un doux murmure
Dans cette salle où Bacchus fuit le jour.
Le jeune dieu, dans une grotte obscure,
Apprit lui-même à Pan ce chant d’amour.
       Harpe aux sons sacrés, fais entendre
       Pour Aphrodite un air divin,
       Doux comme les gouttes de vin

Qu’un joyeux banquet voit répandre.
Que la trompette, au vif et brillant son,
Des cœurs guerriers aille exciter les flammes !
Dans les banquets, notre douce chanson


  1. Cette danse est encore en usage dans la Campanie.