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DE POMPÉI

eût cru qu’il voulait épuiser les vastes caves de Diomède, dont le lecteur peut se faire aujourd’hui encore une idée, en explorant sa maison. Le riche marchand commençait à se repentir de son choix en voyant percer et vider amphore sur amphore. Les esclaves, tous jeunes (les plus jeunes pourtant âgés d’une dixaine d’années, ceux-là versaient le vin ; les autres, ayant environ cinq ans de plus, versaient l’eau), les esclaves, disons-nous, rivalisaient de zèle avec Salluste, et la physionomie de Diomède exprimait déjà son mécontentement de voir avec quelle complaisance ils secondaient les commandements du roi de la fête.

« Pardonnez-moi, noble sénateur, dit Salluste ; je vous vois fléchir. Votre bordure de pourpre ne vous sauvera pas. Buvez !

— Par les dieux, répondit le sénateur en toussant, mes poumons sont déjà en feu ; vous allez avec une telle promptitude quePhaéthonne vous aurait pas suivi. Je suis infirme, aimable Salluste. Épargnez-moi.

— Non, par Vesta ! je suis unmonarque impartial. Buvez ! »

Le pauvre sénateur, de par les lois de la table, fut forcé d’obéir. Hélas ! chaque coup ne faisait que le rapprocher davantage des bords du Styx.

« Doucement, doucement, mon roi, murmura Diomède, nous commençons déjà…

— Ô trahison ! interrompit Salluste ; il n’y a point ici d’austère Brutus… Que personne ne s’oppose aux arrêts de la royauté !

— Mais nous avons des femmes…

— L’Amour aime le buveur ; Ariane n’a-t-elle pas adoré Bacchus ? »

La fête continua : les convives devinrent de plus en plus loquaces et bruyants. Le dessert ou le dernier service était déjà sur la table, et les esclaves apportaient de l’eau avec de la myrrhe et de l’encens pour la dernière ablution ; en même temps une petite table circulaire, qui avait été placée dans l’espace laissé libre, s’ouvrit tout à coup, comme par magie, et répandit une pluie odoriférante sur la table et sur les hôtes. Lorsqu’elle eut cessé, le dais qui était au-dessus de leur tête fut enlevé, et ils virent qu’une corde avait été tendue en travers du plafond. Un de ces habiles danseurs si célèbres à Pompéi, et dont les descendants font encore la joie d’Astley et du Vauxhall, commençait ses évolutions aériennes.