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LES DERNIERS JOURS

Cette cérémonie achevée, les esclaves répandaient des fleurs sur les lits et sur le plancher, et couronnaient chaque convive de guirlandes de roses entremêlées de rubans et attachées avec de l’écorce de tilleul ; le lierre et l’améthyste s’y joignaient également : on leur supposait le don d’arrêter les effets du vin. Les couronnes des femmes en étaient exceptées, car il n’était pas d’usage qu’elles bussent du vin en public. C’est alors que le président Diomède jugea convenable d’ériger un basileus, ou directeur du festin, importantoffice, quelquefois demandé au sort, quelquefois choisi au gré du maître de la maison.

Diomède n’était pas peu embarrassé de cette élection. Le sénateur valétudinaire était trop grave et trop infirme pour l’accomplissement de ce devoir ; l’édile Pansa convenait assez bien à cette charge ; mais, comme il était d’un rang inférieur à celui du sénateur, c’était faire injure à celui-ci. Pendant qu’il délibérait sur le mérite de l’un et de l’autre, il surprit le joyeux regard de Salluste, et, par une soudaine inspiration, éleva l’aimable épicurien au rang de directeur, ou arbiter bibendi.

Salluste accepta cet honneur avec une modestie charmante.

« Je serai, dit-il, un roi plein de clémence pour ceux qui boiront sans se faire prier, mais un Minos inexorable pour les récalcitrants. Attention ! »

Les esclaves firent d’abord le tour de la table avec des bassins d’eau parfumée ; après cette ablution, le festin commença ; la table gémissait déjà sous le poids du premier service.

La conversation, d’abord vague et particulière, permit à Ione et à Glaucus de se livrer à ces doux échanges de paroles à voix basse, qui valent toute l’éloquence du monde. Julia les surveillait avec des yeux pleins de flammes.

« Dans peu de temps je serai à sa place, » pensait-elle en regardant Ione.

Mais Claudius, qui était assis au centre de la table, de manière à bien observer la figure de Julia, guettait son dépit avec l’intention d’en profiter ; il lui adressa de loin des phrases d’une exquise galanterie, et, comme il était de haute naissance, et fort bien de sa personne, Julia, chez qui l’amour ne faisait pas taire la vanité, ne parut pas insensible à ses avances.

Les esclaves, pendant ce temps-là, étaient constamment tenus en haleine par le vigilant Salluste, qui remplaçait une coupe vide parune coupe pleine, avec une célérité telle qu’on