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DE POMPÉI

pas de vos ancêtres ; oublions qu’il y a eu d’autres villes libres que Rome. Et la gloire !… Oh ! nous voudrions vainement évoquer son fantôme des champs de Marathon et des Thermopyles.

— Ton cœur n’est pas d’accord avec tes paroles, dit l’Égyptien ; et, dans la gaieté de la nuit que tu vas passer, tu te souviendras plus de Leæna[1] que de Laïs. Vale ! »

Il dit et, s’enveloppant dans sa robe, s’éloigna lentement.

« Je respire plus à mon aise, reprit Claudius. À l’imitation des Égyptiens, nous introduisons quelquefois un squelette dans nos festins. En vérité, la présence d’un tel personnage, semblable à celle d’un spectre, suffirait pour faire aigrir la plus belle grappe du raisin de Falerne.

— Homme étrange ! murmura Glaucus d’un air pensif ; quoiqu’il semble mort au plaisir et froid pour tous les objets de ce monde, si ce n’est pas un bruit calomnieux, sa maison et son cœur démentent ses discours.

— Ah ! oui, l’on dit que sa sombre maison est vouée à d’autres orgies que celles d’Osiris. Il est riche aussi, assure-t-on. Ne pourrions-nous l’entraîner dans nos fêtes et lui faire connaître les charmes du dé, le plaisir des plaisirs ? Fièvre d’espérance et de crainte, passion qui ne lasse jamais, et dont on ne peut exprimer les délices ! que tu es beau et terrible, ô Jeu !

— Il est inspiré, vraiment inspiré, s’écria Glaucus en riant. L’oracle fait de Claudius un poëte. Il n’y a plus de miracle possible après celui-là ! »


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CHAPITRE III.

La parenté de Glaucus. — Description des maisons de Pompéi. - Une fête classique.


Le ciel avait prodigué à Glaucus tous ses biens, un seul excepté : il lui avait donné la beauté, la santé, la richesse,

  1. Leæna, l’héroïque maîtresse d’Aristogiton, mise à la torture, se coupa la langue avec les dents, de crainte que la douleur ne lui fit trahir la conspiration contre les fils de Pisistrate. Au temps de Pausanias, on voyait la statue d’une lionne, élevée en son honneur à Athènes.