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LES DERNIERS JOURS

— Le plaisir unit ensemble de singulières gens, dit Glaucus ; il m’amuse…

— Par ses flatteries… mais il se les fait bien payer… il jette de la poudre d’or sur ses éloges.

— Vous avez souvent fait allusion à son bonheur au jeu. Croyez-vous qu’il triche réellement ?

— Mon cher Glaucus, un noble romain a sa dignité à conserver… dignité qui coûte cher… Claudius se voit forcé de tromper comme un coquin, pour vivre en patricien.

— Ha ! ha ! heureusement que j’ai abandonné les dés… Salluste, lorsque je serai l’époux d’Ione, j’ai l’intention de racheter toutes mes folies de jeunesse. Tous deux nous sommes faits pour une meilleure conduite que celle que nous tenons. nous sommes faits pour porter nos hommages à de plus nobles temples que l’étable d’Épicure.

— Hélas ! répondit Salluste avec une certaine mélancolie, savons-nous autre chose que ceci : la vie est courte, tout est obscurité au delà du tombeau ? il n’y a donc pas d’autre sagesse que celle de jouir du temps présent.

— Par Bacchus, je me demande parfois si nous savons bien en effet jouir de la vie comme il faudrait le faire !

— Je suis fort modéré, reprit Salluste, et je ne demande pas l’excès. Nous sommes comme des malfaiteurs que nous enivrons de vin et de myrrhe, au moment du supplice ; mais si nous n’agissions pas ainsi, l’abîme nous paraîtrait trop désagréable. J’avoue que j’étais disposé à la tristesse, lorsque je me suis mis à boire avec tant d’ardeur… c’est une nouvelle vie, Glaucus.

— Fi ! c’est parler en Scythe.

— Bah ! le sort de Penthée menace quiconque n’honorera pas Bacchus.

— Eh bien ! Salluste, avec tous vos défauts, vous êtes le meilleur débauché que j’aie encore rencontré ; et, en vérité, si j’étais en danger de la vie, je crois que vous êtes le seul homme de l’Italie qui tendrait un doigt pour me sauver.

— Peut-être ne le pourrais-je pas si c’était vers le milieu du souper ; mais le fait est que nous autres Italiens nous sommes terriblement égoïstes.

— Il en est ainsi de tous-les hommes qui ne sont pas libres, répondit Glaucus en soupirant. La liberté seule fait que les hommes se sacrifient les uns aux autres.

— La liberté doit alors être une chose bien fatigante pour.