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LES DERNIERS JOURS

— Peux-tu en douter ?

— Ne penses-tu pas alors que celui qui est réellement bon a raison de sacrifier son propre intérêt à son zèle pour la vertu ?

— Celui qui le fait s’égale aux dieux.

— Et tu penses aussi que le peu de bonheur qu’il obtiendra au delà du tombeau sera proportionné à la pureté et au courage de ses actes ?

— On nous instruit à l’espérer.

— Embrasse-moi, ma sœur. Une question encore : tu es sur le point d’épouser Glaucus ; ce mariage peut nous séparer d’une façon plus irrévocable encore… mais je ne veux pas parler de cela… tu vas te marier avec Glaucus, l’aimes-tu ? Allons, ma sœur, réponds-moi par de franches paroles.

— Oui, murmura Ione en rougissant.

— Ne sens-tu pas que, pour l’amour de lui, tu renoncerais à toute vanité, tu braverais le déshonneur, tu affronterais la mort ?… J’ai entendu dire que, lorsque les femmes aiment, c’est toujours avec excès.

— Mon frère, je ferais tout cela pour Glaucus, et je ne croirais pas faire un sacrifice. Il n’y a pas de sacrifice, quand on aime, à souffrir pour celui qu’on aime.

— Assez : une femme aurait cette bonne volonté pour un homme, et un homme montrerait moins de zèle pour son Dieu ! »

Il cessa de parler. Sur sa figure animée brillait comme l’inspiration d’une vie divine ; sa poitrine se gonflait avec orgueil ; ses yeux étincelaient, son front était empreint de la majesté d’un homme qui se propose quelque noble action. Il se retourna pour chercher une fois encore les yeux d’Ione, empressés, attentifs, effrayés ; il l’embrassa tendrement, la pressa vivement sur son sein, et, un moment après, s’éloigna de la maison.

Ione demeura longtemps à la même place, muette et sans pensée. Ses suivantes vinrent plusieurs fois lui rappeler que la journée avançait, et qu’elle avait promis d’assister au banquet de Diomède ; elle s’éveilla enfin de sa rêverie, et s’babilla pour le festin, non pas avec l’orgueil de la beauté, mais avec tristesse et mélancolie : la seule chose qui la réconciliât avec cette solennité, c’est qu’elle devait y rencontrer Glaucus, et qu’elle pourrait lui confier toutes ses alarmes, toutes ses inquiétudes au sujet de son frère.