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DE POMPÉI


LE REGRET DE L’ENFANCE.

Le printemps a ses matinées
Pleines de pluie et de soleil ;
L’enfance, aux heures fortunées,
N’a pas sans cesse un jour vermeil.
Mais l’espérance, fraîche éclose,
Dore tout triste souvenir ;
Des nuages couleur de rose
Promettent un doux avenir.

Jusqu’en nos dernières années,
La joie encor peut refleurir ;
Mais nos larmes, plus obstinées,
Ont bien plus de peine à tarir.
L’orage a plus de violence,
L’arc-en-ciel est moins irisé ;
Avec les jouets de l’enfance,
Notre prisme, hélas ! est brisé.


Ione avait choisi ce morceau avec autant de goût que de délicatesse, bien que le motif en fût mélancolique:car, lorsque nous sommes profondément tristes, l’accent de la gaieté offre un désaccord insupportable pour nous ; le charme le plus convenable est celui qu’on emprunte à la mélancolie elle-même ; les pensées sombres qu’on ne peut égayer peuvent du moins être adoucies ; elles perdent ainsi les couleurs trop crues de la vérité, et se fondent dans l’idéal. De même que la sangsue guérit un mal intérieur par une irritation extérieure, tirant à elle un venin dangereux, de même, dans les plaies de l’âme, on appelle à la surface le mal qui s’enfonce trop avant, et l’on change en une douce tristesse ses intimes douleurs. Apœcides, cédant alors à l’influence de cette voix argentine qui lui rappelait le passé, et qui voilait à demi les douleurs du présent, oublia la source immédiate de ses inquiètes pensées. Il passa quelques heures à entendre chanter Ione et à causer avec elle; et, lorsqu’il se leva pour la quitter, son esprit, doucement bercé, était devenu plus calme.

« Ione, dit-il en lui pressant la main, si tu entendais noircir et calomnier mon nom, croirais-tu au mal qu’on te dirait de moi ?

— Jamais, mon frère, jamais.

— Ne crois-tu pas, d’après ta foi même, que le méchant est puni après la mort, et que le bon est récompensé ?