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LES DERNIERS JOURS

— Et toi, redoute le moment où la tombe sera ouverte et la corruption visible, répondit Apœcides d’un air solennel. Vale. »

Après avoir prononcé ces paroles, il laissa le flamine à ses méditations. Lorsqu’il eut fait quelques pas, il retourna la tête. Calénus avait déjà disparu dans la salle d’entrée des prêtres, car l’heure du repas approchait, de ce repas appelé prandium, et dont l’heure correspondait à celle du déjeuner des modernes. Le blanc et gracieux temple brillait au soleil ; sur ses autels fumait l’encens et s’enlaçaient des guirlandes ; le prêtre jeta un long et triste regard sur cette scène : c’était la dernière fois qu’il la contemplait.

Il reprit son chemin et se dirigea vers la demeure d’Ione : car, avant que le dernier lien qui les unissait fût peut-être rompu, avant de se livrer au péril qui l’attendait le lendemain, il souhaitait de revoir encore la seule parente qui lui restât, sa plus tendre et sa première amie.

Il arriva chez elle et la trouva dans lejardin avec Nydia.

« C’est bien de ta part, dit Ione avec joie, d’être venu me trouver. Je désirais ta présence. Combien je te sais gré de ta visite !… Que tu as été maussade en ne répondant à aucune de mes lettres. et en refusant de venir recevoir l’expression de ma gratitude… Ah ! tu as contribué à me préserver du déshonneur ! Que peut te dire ta sœur maintenant pour te remercier ?

— Ma douce Ione, tu ne me dois aucune reconnaissance, car ta cause est la mienne. Évitons ce sujet ; ne parlons plus de cet homme impie, aussi odieux à l’un qu’à l’autre. J’aurai une prochaine occasion d’apprendre au monde la nature de sa prétendue sagesse et de sa sévérité hypocrite. Asseyons-nous, ma sœur. La chaleur du soleil m’a fatigué…, asseyons-nous à l’ombre, et, pour un peu de temps encore, soyons l’un pour l’autre ce que nous avons été jusqu’ici. »

Ils s’assirent sous un large platane, ayant autour d’eux le ciste et l’arbousier, les fontaines jaillissantes, et une verte pelouse à leurs pieds ; la cigale joyeuse, jadis si chère aux Athéniens, chantait gaiement dans le gazon ; le papillon, ce bel emblème de l’âme, dédié à Psyché, et qui a continué de fournir des images aux poëtes chrétiens, riche des brillantes couleurs empruntées aux cieux de la Sicile[1], voltigeait sur les

  1. On trouve en Sicile la plus belle espèce de papillons.