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LES DERNIERS JOURS

« Où est ma fille Julia, demanda-t —il ?

— Au bain.

— Ah ! cela me fait souvenir, qu’il est grand temps… Je dois aussi aller au bain. »

Notre récit nous ramène vers Apœcides. En se réveillant, ce jour-là, du sommeil fiévreux et fréquemment interrompu qui avait suivi son adoption dans une foi si différente de celle dans laquelle il avait été élevé, le jeune prêtre pouvait à peine se figurer qu’il ne faisait pas encore un songe ; il avait traversé la fatale rivière… le passé et l’avenir n’avaient plus rien de commun… les deux mondes… ce qui avait été, et ce qui devait être, se montrèrent distincts et séparés à jamais… À quelle hardie et aventureuse entreprise n’avait-il pas dévoué sa vie ? Dévoiler les mystères auxquels il avait été associé… avilir les autels qu’il avait servis, dénoncer la déesse dont il avait été le ministre, déchirer la robe qu’il portait encore ! Il ne se dissimulait pas la haine et l’horreur qu’il inspirerait aux personnes pieuses, alors même qu’il réussirait ; si le succès lui manquait, quel châtiment n’attirerait pas sur lui une offense jusqu’alors inconnue, et pour laquelle aucune loi pénale même n’existait, tant elle était imprévue… On chercherait sans doute dans l’arsenal de la vieille législation quelque loi cruelle, tombée en désuétude, pour lui faire expier son crime. Ses amis… sa sœur, sa compagne d’enfance… auraient peut-être pitié de lui ; mais lui rendraient-ils justice ?… Cet acte brave et héroïque ne serait-il pas considéré par leurs yeux, que le paganisme aveuglait, comme une odieuse apostasie ?


Il oserait tout néanmoins ; il renoncerait à toute chose de ce monde, pour s’assurer l’éternité dans cet autre monde, qui lui avait été si soudainement révélé ! Pendant que ces pensées assaillaient d’un côté son cœur, de l’autre son courage, son orgueil, sa vertu, se mêlant au désir de se venger des indignes supercheries auxquelles il avait participé, au dégoût que lui inspirait la fraude, conspiraient ensemble pour l’élever et le soutenir.

Le conflit était dur et pénible ; mais ses nouveaux sentiments triomphaient des anciens. Un puissant argument en faveur de ceux qui rompent avec la consécration des anciennes idées, et des formes héréditaires, peut être tiré de l’exemple victorieux de ce jeune prêtre. Si les premiers chrétiens avaient été plus soumis à la solennelle autorité des coutumes, s’ils avaient été