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LES DERNIERS JOURS

— Merci : quand nous nous reverrons, tu trouveras sans doute Glaucus à mes pieds. »

Elles allèrent se reposer, chacune sur son lit, et Julia, fatiguée de l’excitation de cette journée, s’endormit promptement. Mais la Thessalienne attentive roulait des pensées inquiètes et brûlantes dans son esprit. Elle écoutait la calme respiration de Julia ; et son oreille, accoutumée à distinguer les plus légers bruits, comprit bientôt que sa compagne était plongée dans un profond sommeil.

« Maintenant, que Vénus me soit en aide ! » dit-elle doucement.

Elle se leva légèrement, répandit le parfum que lui avait donné la fille de Diomède sur le pavé de marbre, passa plusieurs fois de l’eau dans le flacon, puis, ayant trouvé aisément le lit de Julia (car la nuit était pour elle comme le jour), elle glissa sa tremblante main sous l’oreiller et saisit la fiole. » Julia ne fit pas un mouvement ; son haleine effleurait d’un souffle régulier les joues brûlantes de l’aveugle. Nydia, débouchant alors la fiole, en versa le contenu dans son flacon, sans en perdre une goutte ; remplissant ensuite la fiole avec l’eau que Julia lui avait assuré être semblable à la liqueur du philtre, elle replaça cette fiole à la place où elle l’avait prise. Elle retourna alors se coucher et attendit… avec quel trouble dans sa pensée ! que le jour vint à paraître.

Le soleil se leva. Julia dormait toujours… Nydia s’habilla sans bruit, plaça son trésor soigneusement dans son sein… prit son bâton, et se hâta de quitter la maison.

Le portier Médon la salua d’un bonjour amical, pendant qu’elle descendait les degrés qui conduisaient à la rue… Elle ne l’entendit pas… la confusion régnait dans son esprit ; elle était perdue dans le tourbillon et le tumulte de ses pensées, dont chacune était une passion. Elle sentit l’air pur du matin sur ses joues, mais il ne porta point de fraîcheur dans ses brûlantes veines.

« Glaucus, murmura-t-elle, tous les philtres de la plus puissante magie ne pourront faire que tu m’aimes autant que je t’aime… Ione… Ah ! non… loin de moi toute hésitation, loin de moi tout remords ! Glaucus, ma destinée est dans ton sourire ; et la tienne… ô espérance ! ô joie, ô transport !… ta destinée est dans mes mains !… »